si, c'est vrai !

fire and forget

Quiconque ne s’étant jamais rendu un samedi après-midi dans une décheterie ouverte aux particuliers devrait se plier à cet exercice afin de prendre la mesure de la quantité de déchets générée par notre mode de vie. C’est le meilleur moyen de comprendre pourquoi notre société est souvent qualifiée de société de consommation.

Osons le parallèle avec les technologies de l’armement : avec les avancées technologiques, on a vu apparaître des armes de type fire and forget. Ces missiles d’un nouveau genre permettent au lanceur de tirer le missile et de ne plus s’en préoccuper, le missile se chargeant de manière autonome d’atteindre sa cible.

Notre société de consommation est basée sur le même modèle dans sa variante consumériste : consomme et oublie. Cette mutation a probablement débuté par l’invention de la poubelle par monsieur Eugène-René Poubelle. L’invention de la poubelle, si elle est sans conteste le signe d’un progrès dans le domaine de l’hygiène, marque également le début de l’externalisation de la gestion de ses déchets. En effet, l’innovation liée à l’invention de la poubelle est plus liée à la mise en place d’un processus de collecte des déchets qu’à l’invention de l’objet, simple récipient de fer et de bois.

Il est intéressant de noter que le tri des déchets était prévu dès l’origine avec la mise en place de 3 filières distinctes de traitement des déchets :

  • les déchets ménagers,
  • les papiers et les chiffons,
  • le verre et la faïence.

Mais la poubelle a surtout eu la conséquence de mettre de la distance entre le producteur de déchet et le processus de traitement des déchets. Petit à petit, la gestion des déchets s’est professionnalisée et les producteurs de déchets se sont désintéressés de la problématique du traitement des déchets. C’était le début du mode de consommation consomme et oublie.

Par la suite, la quantité de déchets par personne n’a cessé d’augmenter et les coûts associés se sont vus dilués dans les charges des habitations, dans les impôts. Le coût économique n’a pas été un frein à cette augmentation du volume des déchets, en quantité global comme en quantité par personne. Le coût écologique n’a pas non plus limité cette augmentation. C’est d’ailleurs l’absence de considération écologique qui a permis de conserver un très bas prix de traitement des déchets :

  • L’incinération est peu coûteuse mais totalement non-écologique et terriblement polluante et toxique par les substances qui résultent de la (mauvaise) combustion des déchets.
  • L’enfouissement est peu coûteuse mais contribue à dégrader l’environnement avec la création de décharges.

Par la suite, la société de consommation a introduit les concepts d’obsolescence planifiée et d’obsolescence perçue.

L’obsolescence planifiée est à rapprocher de la notion de defective by design. C’est le mécanisme par lequel un produit présente des dysfonctionnements prévus par le concepteur. Le principe est que le dysfonctionnement intervient après la fin de la période de garantie et incite à l’achat d’un nouveau produit. Cela permet d’entretenir la demande en privilégiant la mauvaise qualité des produits.

L’obsolescence perçue relève plus du marketing que de la conception technique du produit. Elle consiste à amener le consommateur à penser que son produit est devenu obsolète alors qu’il fonctionne parfaitement. Le meilleur exemple d’obsolescence perçue est la mode vestimentaire qui change chaque année et qui nous incite à racheter des vêtements neufs et à la mode alors que nos anciens vêtements sont en parfait état mais sont subitement devenus démodés.

En couplant l’obsolescence planifiée ou perçue et les filières de traitement des déchets, on obtient un système qui permet au consommateur de consommer sans se poser de question.

Et si justement on s’en posait, des questions ? Si on s’intéressait un peu plus à l’histoire des choses ?