si, c'est vrai !

j'aime pas Facebook

Le collectif Ippolita est auteur d’un livre intitulé j’aime pas Facebook (également disponible en français chez l’éditeur Payot et Rivages).

Le collectif estime que Facebook vient remplir un vide existentiel, la crainte de se confronter à soi-même. Plonger dans Facebook serait en quelque sorte une fuite de soi. Savoir communiquer avec les autres commence par l’acceptation de soi et la communication avec soi-même.

Il faut renverser l’idéologie de la transparence radicale et l’appliquer aux technologies que nous utilisons, à ces médias sociaux qui se disent immédiats et sont au contraire des intermédiaires opaques. Il est vital pour l’individu de maintenir des sphères privées, une intériorité secrète et personnelle, qui ne soit pas profilée ni profilable. Il est vital d’apprendre à passer du temps avec soi-même, dans la solitude et le silence, et d’apprendre à s’aimer, en affrontant la peur du vide, cette horror vacui intime que les médias sociaux essaient en vain de combler. Seuls les individus qui s’estiment et se plaisent suffisamment, malgré leurs points faibles, peuvent trouver assez d’énergie pour construire un espace communicatif sensé dans lequel rencontrer les autres. Seuls les individus qui ont acquis un savoir-faire qui va au-delà du faire savoir, c’est à dire des compétences qui prennent d’autres formes que celles de l’autopromotion, peuvent avoir quelque chose d’intéressant à communiquer et à partager. Une communication efficace exige qu’on ait des capacités d’écoute envers soi avant même que de savoir écouter les autres. Mais la logique algorithmique est insuffisante et humiliante. Ce n’est pas l’individu qui doit se rendre transparent pour la technique, mais bien la médiation technique qu’il faut rendre aussi transparente et compréhensible que possible pour les gens. Il faut expliciter les processus de construction des mondes partagés.

Si l’outil n’est pas au service de l’utilisateur, alors l’utilisateur finit au service de l’outil.

Le collectif élargit ensuite le périmètre de son étude en analysant ce qui fait qu’un collectif est pérenne ou non, en fonction du degré d’implication des membres du collectif et des attentes respectives de chacun.

Il sera d’autant plus difficile d’harmoniser un projet qu’il existe de grande différences d’investissement personnel. En effet, il est clair que ceux qui investissent le plus ne peuvent fournir encore davantage d’efforts ni pallier les manques, réels ou présumés, des autres. Il y a deux raisons à cela, deux raisons analogues mais opposées : la première est extérieure à l’individu. En s’investissant davantage, il risquerait de faire de l’ombre aux autres participants, en empêchant, dans les faits, l’autonomie diffuse. La seconde raison concerne l’individu lui-même : en fournissant plus d’efforts, il risquerait d’assumer trop de responsabilités, lesquelles, pour ne pas se transformer en sources de frustration (les phrases du genre « c’est moi qui fait tout ! » ou encore « je suis indispensable ! » sont les signes extérieurs de cette frustration) devraient recevoir en échange une certaines formes de reconnaissance que les autres ne sont pas disposés à offrir, pour ne pas disqualifier le collectif ni leur apport personnel. D’un point de vue écologique, faire plus ne signifie pas toujours mieux faire : la collaboration exige que les limites et les règles qui définissent ces limites soient constamment renégociées.

Le volontarisme pur est aveugle et même souvent contre-productif. Un déséquilibre sain et constructif vers le chaos et l’imprévisible créatif exige souvent qu’on recule de quelques pas pour mieux redistribuer ses énergies en faveur des autres, non pas par altruisme, mais pas stratégie. D’un côté, il faut éviter le déséquilibre excessif, et, de l’autre, il faut éviter le nivellement par le bas, en s’efforçant de ne pas suivre le rythme de celui qui manifeste le moins d’enthousiasme et le moins de disponibilité. Le fait de modérer les enthousiasmes revient souvent à imposer un point de vue conservateur, c’est-à-dire un point de vue déjà connu, qui ne sert pas à surmonter les difficultés. L’enthousiasme doit être encouragé par la confiance et la confiance doit avoir pour contrepoids l’esprit critique, c’est-à-dire la réflexivité. Les efforts réciproques doivent servir à développer l’espace autonome sans prendre appui sur le devoir ni sur les nécessités, mais sur le plaisir. Dans le cas contraire, les frustrations risquent de prendre le dessus. Le désir de domination personnelle se nourrit du désir des autres d’être dominés, et vice versa. Pour cette raison, l’équilibre doit être dynamique et se préparer à utiliser les énergies pour de nouvelles individuations, en évitant l’apparition de dynamiques hégémoniques et la cristallisation de hiérarchies. L’immobilisme ne peut être surmonté sans faire appel au résidu chaotique, au déséquilibre vers l’avant régulé par des méthodes partagées.

Créer et faire vivre un collectif n’est pas seulement une question d’outil de communication. L’outil de communication est même un sujet qui vient après les question humaines et interpersonnelles. Si l’outil de communication est un support au dialogue et à la discussion, il ne peut en aucun cas les remplacer.