si, c'est vrai !

les élites néolibérales ne veulent plus transiger avec le corps social

Dans un article intitulé les élites néolibérales ne veulent plus transiger avec le corps social, Romaric Godin défini avec précision le néolibéralisme et ce qui le différencie des autres courant du libéralisme (tels que l’ultra-libéralisme, le libertarisme, le libéralisme manchesterien).

[…] la caractéristique du néolibéralisme, c’est qu’on a, au niveau mondial, un mode de gestion du capitalisme qui s’appuie sur un État au service du capital contre le travail. On peut ainsi définir le néolibéralisme […] comme un mode de gestion du capitalisme […] qui relie l’ensemble des capitalismes nationaux entre eux dans un même ensemble. […] maintenant on est passés au paradigme néolibéral qui lui-même, depuis 2008, est entré dans une phase de crise.

Cela correspond aux idées de l’ordolibéralisme allemand : l’état fixe des règles de fonctionnement du marché. Le pouvoir n’est alors plus au législatif, mais à l’exécutif.

En tout cas, on n’est pas dans la destruction complète de l’État. On est plutôt dans une réorganisation des moyens de l’État au profit du capital et au détriment du monde du travail.

En terme de dépense publique, ce n’est pas tant la quantité que la qualité qui compte. Il ne suffit pas de regarder les variations de la dépense publique, mais il faut surtout regarder à quoi elle est utilisée.

[…] la dépense publique reste importante, elle n’est simplement pas employée de la même façon, c’est-à-dire qu’elle est moins dépensée dans la sphère sociale et beaucoup plus dans la sphère dite régalienne. C’est d’ailleurs ce que défend le gouvernement français avec le budget 2020 puisqu’il demande et je le cite, le « réarmement de l’État régalien » par une augmentation du budget de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice. L’augmentation du budget de la Justice, ce n’est pas pour les tribunaux, elle est au contraire concentrée sur la création de postes de gardiens de prisons. C’est une vision de l’État qui est punitive et vraiment régalienne au sens traditionnel du terme.

Le néolibéralisme fait sa grande entrée en France à l’occasion du revirement socialiste, peu après la première élection de François Mitterrand.

En 1983 tout ceci est abandonné et les élites de gauche deviennent néolibérales comme les élites de droite l’étaient depuis les années 1950. Il y a une unité des élites, et là se met en place ce que j’appelle une guerre sociale, entre des élites qui cherchent à imposer le plus de réformes néolibérales possible et un corps social qui lui résiste parce qu’il reste attaché à cet équilibre entre le capital et le travail.

Depuis lors, le corps social est sur la défensive et ne cesse de subir des reculs. Et depuis 2007, les présidents néolibéraux se succèdent, jusqu’au président actuel, qui arrive à constituer une base lui permettant de réformer sans contre-pouvoir.

À la différence des autres, il va constituer une base sociale qui est acquise à cette idée, constituée en fait de ceux que l’on appelle les « gagnants de la mondialisation », ou ceux qui croient l’être, ou ceux qui ont un intérêt à ce que la politique soit du côté du capital plutôt que du travail, ou qui s’identifient à cette politique pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Ça représente à peu près un cinquième de l’électorat français, qui sait exactement ce qu’il veut : en bref, il veut les conclusions de la commission Attali.

Les réformes se suivent et se ressemblent : elles constituent toutes des régressions pour le corps social (réforme du code du travail, réforme de l’assurance chômage, réforme des retraites, maintient du déficit de la sécurité sociale, gel des APL…).

La seule fonction de cette réforme [des retraites], c’est de développer l’assurance retraite privée.

L’indicateur le plus inquiétant est l’indice de Gini, l’indicateur des inégalités.

[…] la réalité c’est que l’indice de Gini a augmenté comme jamais en France […]

La France est en train d’évoluer vers une “démocratie autoritaire”.

[…] une démocratie qui fonctionne a minima [et] en parallèle vous avez une répression policière, une répression d’État extrêmement forte pour dissuader le corps social de réagir aux réformes néolibérales.

Le néolibéralisme est en bout de course car il est incapable de répondre aux défis qui lui sont lancés aujourd’hui.

Quels sont les grands défis aujourd’hui ? La transition écologique, les inégalités et dans certains cas le rejet du consumérisme. Le néolibéralisme est incapable de répondre à ces défis-là. Il est même incapable de répondre au défi de la croissance économique puisqu’elle ne cesse de ralentir, que la croissance de la productivité ralentit elle aussi et que pour créer du profit il est en permanence obligé de comprimer le coût du travail. Va s’engager une fuite en avant du néolibéralisme qui va créer toujours plus d’inégalités et toujours plus de dégradations écologiques…

Nous allons donc au devant de toujours plus de contestation (du peuple) et de répression (de l’état).

Les gilets jaunes sont la première grande crise du néolibéralisme.

L’auteur imagine donc 3 issues possible à cette impasse.

À cela, vous avez trois réponses. La première réponse c’est de continuer comme avant, on ne s’occupe de rien et on va au désastre, vers une crise climatique et sociale aiguë et vers la confrontation. La deuxième réponse, c’est que face à ces désordres provoqués par la crise du néolibéralisme, celui-ci s’allie pour survivre avec des tendances fascistes ou autoritaires. […] On ne peut pas exclure de voir advenir, à droite de Macron, cette fusion entre les néolibéraux et les néofascistes. Face à la crise, le corps social réclamera de l’ordre et on entrera dans un régime autoritaire qui, économiquement, sera le sauvetage de l’ordre existant. Puis le troisième scénario, qui est plus hypothétique, c’est que l’on arrive à proposer autre chose, à sortir de ce cadre néolibéral.

Si le constat semble limpide, difficile alors de rester optimiste face à l’avenir de la France et de ce qu’il reste de sa démocratie.