si, c'est vrai !

un usage du SMIC contre le salaire

Le SMIC a été instauré en 1970 comme un salaire minimum. L’étude intitulée un usage du SMIC contre le salaire montre comment il tend à devenir un salaire maximum.

En premier lieu, il convient de rappeler que l’employeur d’un salarié au SMIC bénéficie d’une importante exemption de cotisations sociales. Si l’on considère ces cotisations sociales comme du salaire mutualisé (ou socialisé), on est donc confronté à un double manque à gagner pour les salariés :

  • faible salaire direct
  • faible salaire indirect mutualisé

Là où l’employeur est doublement gagnant, les salariés sont doublement perdants.

Comme le signalent les bilans sociaux des centres externalisés étudiés, la main-d’oeuvre représente entre 70 et 80 % du chiffre d’affaires, les propos de notre DRH peuvent donc être pris au sérieux. Avec de tels pourcentages, on comprend alors tout l’intérêt des différents groupes à privilégier les formes réversibles de rémunération (les primes cf. infra) et surtout à profiter des opportunités légales propres à certains territoires ou sur toute la France comme l’exonération de cotisations sociales jusqu’à 1,6 SMIC. Précisément, les taux de cotisations patronales au régime général de la Sécurité sociale équivalent en moyenne à 30,3 % du salaire brut. Après exonération, ils sont alors compris dans une fourchette allant de 4,3 à 15,9 % du salaire brut. Cette politique, qui dans le discours gouvernemental et patronal a vocation à « pérenniser l’emploi en France », nuit au premier chef aux salariés puisque les exonérations sont équivalentes à une réduction du salaire total (salaire net plus cotisations sociales). Au surplus, la dotation budgétaire versée par l’État à la Sécurité sociale pour compenser ces exonérations revient, comme la TVA sociale d’ailleurs, à faire payer aux contribuables et donc majoritairement aux salariés ce que les employeurs devaient auparavant assumer.

Certains employeurs contournent la loi en payant leurs salariés en dessous du SMIC au prétexte de compléter le salaire fixe par des primes. On voit donc que si le SMIC constitue de plus en plus un salaire maximum, il ne constitue même plus un salaire minimum.

Les centres d’appels privilégient surtout la prime d’assiduité et la prime aux résultats. Afin de lutter contre un absentéisme important du fait des conditions de travail connues pour leur dureté, certains centres d’appels proposent une prime d’assiduité. Tel groupe par exemple, verse 50 € bruts mensuels si le salarié n’a aucun retard, aucun départ avant l’heure et aucune absence (autorisée ou non) dans le mois. Cette prime n’est pas qualifiée de « prime d’assiduité » ou « de présence », ce qui peut la faire entrer – alors qu’elle en est légalement exclue – dans l’assiette de vérification SMIC. Une telle pratique permet de ne pas respecter à la lettre le versement d’un montant de rémunération équivalent au SMIC quand bien même les absences de l’employé seraient justifiées. Cela change la signification de la prime : d’une récompense de la présence du salarié au cours du mois venant compléter le SMIC, elle devient une pénalité entamant le SMIC si le salarié a dû s’absenter. Mais surtout, elle permet à l’employeur de garder le SMIC comme horizon de rémunération des téléconseillers.

En conclusion, les avantages supposés du SMIC paraissent bien fades au regard de l’usage qui en est fait par les employeurs qui contournent la loi.

Le cas des centres d’appels montre à quel point le SMIC, loin de représenter « idéalement » une première rémunération, se constitue progressivement contre le salaire, c’est-­à-dire contre les cotisations sociales et les qualifications. Une carrière smicarde générant de faibles cotisations employeurs semble être le seul horizon des employés. Les primes réversibles n’ont pas vocation à faire décoller leur rémunération du SMIC et certaines d’entre-elles peuvent même rendre difficile l’exercice concret de droits comme les absences justifiées. Seules la réhabilitation politique des cotisations sociales et la promotion d’une véritable négociation collective de branche permettront de sortir les employés de leur destin de smicard pour leur reconnaître pleinement ce qu’ils sont déjà en substance : des salariés qualifiés.

Au delà de son propre salaire, il importe de lutter pour le salaire des autres, et en particulier les salaires les plus faibles. En augmentant les petits salaires, donc les cotisations sociales associées, on augmente finalement notre salaire global mutualisé !