Dans un article intitulé un code du travail en miettes, Martine Bulard analyse les projets de modification du code du travail.
Ces réformes se résument souvent à des régressions des droits des salariés au profit des employeurs. Le code du travail est le résultat de plus d’un siècle de luttes sociales. Il résulte d’un compromis entre le patronat et le salariat. Il est stratégiquement hasardeux de remettre en cause profondément ce compromis au risque de rompre l’équilibre entre salariés et employeurs.
Trop complexe, trop confus, trop lourd… Le code du travail est devenu l’ennemi public numéro un — celui qui empêche d’embaucher, de licencier, de créer des emplois, de donner une place aux jeunes, d’innover, d’exporter, etc. L’acte d’accusation se nourrit chaque jour de nouveaux éléments.
On pourrait pourtant faire remarquer qu’il suffit d’enlever toutes les dérogations exigées et obtenues par le patronat (sur le temps de travail, l’intérim, les types de contrat de travail, etc.) pour alléger sensiblement ledit code…
On pourrait se livrer comme certains petits malins au jeu de « qui pèse le plus lourd » : le code du travail (sans les commentaires de l’éditeur Dalloz) atteindrait 0,789 kilogramme (kg), contre 1,450 kg pour le code du commerce ou encore 1,100 kg pour celui des sociétés.
On pourrait tout aussi bien regarder l’évolution de l’épaisseur des différents codes pour s’apercevoir que le premier a augmenté de 3 % par an entre 2003 et 2013… bien moins que tous les autres.
On pourrait, plus sérieusement, se plonger dans les travaux du Fonds monétaire international (FMI) et constater que, contrairement à ce que les idéologues du laisser-faire prétendent, « la réglementation du marché du travail n’a pas d’effets statistiquement significatifs sur la productivité » et donc sur les performances économiques et l’emploi. Ce qui n’empêche pas le docte organisme de réclamer, en toute incohérence, des mesures de déréglementation — on ne plaisante pas avec les dogmes au FMI.
Le code du travail existe pour protéger les salariés de leur employeur. Il vient contre-balancer le lien de subordination du salarié envers son employeur.
Bien sûr, jeter aux orties deux siècles de droits du travail peut s’avérer socialement dangereux et politiquement acrobatique.
Le code du travail date de 1910 mais hérite des lois concernant le travail du code civil depuis 1841. Il permet au salarié de défendre ses droits face à son employeur et donc de limiter le lien de subordination sans verser dans le lien de sujétion.
Auparavant, le code civil comprenait des lois concernant le travail : en 1841, une loi réglemente le travail des enfants, en 1884, les syndicats sont autorisés ; en 1890 un loi instaure le contrat de louage des services sans détermination de durée, ancêtre du CDI.
Les réformes et simplifications envisagées pour le code du travail masquent un renversement de la hiérarchie des normes qui autorise un large régime dérogatoire en marge d’un code du travail dont les lois perdent leur caractère contraignant.
MM. Cette et Barthélemy, eux, avancent sensiblement les mêmes mesures que leurs illustres prédécesseurs, mais ils les enveloppent dans un jargon plus technocratique. Les « grands principes » de M. Badinter deviennent des dispositifs « d’ordre public absolu », le reste étant renvoyé à la négociation : « l’accord collectif pourrait déroger à certaines normes du code du travail ». Ainsi, par exemple, le salaire minimum continuerait d’exister, mais il serait possible d’y « déroger par accord de branche » ; il pourrait donc varier selon les régions, selon l’âge (le retour du Smic-jeune cher à l’ex-premier ministre Edouard Balladur). Trop direct dans ses propositions, le duo joue les idiots utiles pour faire passer le rapport Combrexelle qui propose la même chose mais avec doigté. S’il envisage une « nouvelle architecture du code du travail », il veut l’étaler sur quatre ans. De quoi faire passer la pilule. Mais il entend bien, comme les autres « experts », « faire prévaloir les accords collectifs sur les contrats de travail ». Un renversement de la hiérarchie des normes qui fait voler en éclats deux siècles de progrès social.
Au prétexte de créations d’emploi - supposées, et de fait non avérées - les réformateurs du code du travail cherchent en réalité à renforcer le pouvoir des employeurs sur les salariés.
Qui peut croire qu’un code du travail, fût-il allégé, créera des emplois ? En 2008, il avait déjà perdu des plumes (500 lois, 10 % de texte en moins) avec comme maître d’œuvre, déjà, M. Combrexelle… sous l’autorité de M. Sarkozy. On connaît le résultat sur l’emploi.
Lorsque le taux de chômage est élevé, c’est les droits des salariés qu’il faut renforcer, pas ceux des employeurs !