Le Produit Intérieur Brut (PIB) et le Produit National Brut (PNB) ne sont pas des indicateurs significatifs de développement humain d’un pays. Ils ne sont que des indicateurs économiques qui n’ont pas de lien direct avec les populations.
Si le PIB par habitant permet de comparer les PIB entre les pays, il n’est qu’un indicateur économique basé sur l’évaluation de l’activité des acteurs économiques, principalement les entreprises. Ramener cette donnée au niveau de l’habitant ne permet pas d’évaluer le niveau de vie de la population.
La banque mondiale, consciente des limites de ces indicateurs, a mis au point dès 1990 un autre indicateur qui combine le PIB à d’autres indicateurs pour constituer l’indice de développement humain (IDH). Cet indicateur composite - décrit dans le livre Beyond Economic Growth - est une simple moyenne de trois indices reflétant les réalisations d’un pays en termes de santé et de longévité (sur la base de l’espérance de vie à la naissance), d’éducation (à partir du taux d’alphabétisation des adultes et des taux combinés de scolarisation ou d’inscriptions dans le primaire, le secondaire et l’enseignement supérieur), et de niveau de vie (au moyen du PIB par habitant exprimé en parité de pouvoir d’achat).
Pour en revenir au “PIB par habitant”, un autre axe d’étude intéressant est d’accompagner ce “PIB par habitant” (qui est une moyenne) d’un écart type (qui est une mesure de dispersion de la moyenne). Cet écart type ne peut pas s’appliquer au PIB qui n’est qu’une somme de flux de production. Il prend en revanche tout son sens appliqué au revenu. C’est justement l’objet du coefficient de Gini, un indicateur mesurant le degré d’inégalité de distribution des revenus. Le coefficient de Gini est un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite (tout le monde a le même revenu) et 1 signifie l’inégalité totale (une personne a tout le revenu, les autres n’ont rien).
Aux Etats-Unis, le coefficient de Gini augmente continuellement entre 1967 et 2007, avec une accélération de cette augmentation au cours des années 70, 80 et 90, comme le montre le graphique ci-dessous :
Ainsi un pays A ayant un PNB par habitant moins élevé qu’un pays B pourrait être considéré comme plus évolué de par son coefficient de Gini moins élevé. Cela signifie que la population de ce pays A est plus homogène, que la répartition des richesses est meilleure et que la précarité y est potentiellement moins présente.
Il serait même plus significatif de s’intéresser à la variation dans le temps du coefficient de Gini qu’à sa valeur. Si le PNB par habitant d’un pays A est supérieur à celui d’un pays B avec un coefficient de Gini inférieur, on pourrait en conclure que le pays A est plus riche et que les richesses y sont mieux réparties. Mais si l’on met en perspective ces indicateurs dans le temps et qu’on se rend compte que le coefficient de Gini augmente pour le pays A alors qu’il diminue pour le pays B, on peut en conclure que - indépendamment du niveau de vie moyen des habitants des pays A et B - la cohérence du tissus social du pays B se renforce alors que celle des plus pauvres du pays A s’affaiblit. Est-ce que la situation d’un pays riche dont le tissus social se délite est plus enviable que celle d’un pays plus pauvre mais dont le tissus social se renforce ?
Les Etats-Unis, qui semblent être un pays riche de part son PIB par habitant laisse en réalité apparaître de grandes inégalités du fait de son coefficient de Gini élevé et en augmentation continue.
Le coefficient de Gini gagnerait à être plus largement connus et utilisé. La principale limite de cet outil réside dans le fait qu’il ne considère que le revenu.
Or le revenu n’est qu’une dimension économique de la qualité de vie. Qu’en est-il des aspects culturels et sociaux, de l’impact écologique ? Comment évaluer ces dimensions difficilement chiffrables ? Un pays qui détruit son patrimoine naturel et celui de ses voisins pour se développer n’est-il pas en train de scier la branche sur laquelle il s’appuie ? Quand prendra-t-on en compte l’impact écologique pour évaluer les coûts et le niveau de développement d’un pays ou d’un continent ?
Il faudrait donc imaginer un indicateur de durabilité. Ce dernier évaluerait la capacité d’un pays ou d’un continent à se développer pour fournir à la population l’accès aux biens publics tout en garantissant la survie et la pérennité des générations futures donc en tenant compte de l’environnement au sens large de manière à préserver la biodiversité.
Un tel indicateur serait à même de remettre en perspective les avantages et les risques d’une économie libre et non faussée.
Pour continuer la réflexion : Peut-on mesurer le bonheur ? Réflexions sur les indicateurs de bien-être.