si, c'est vrai !

espérer le meilleur, s'attendre au pire

La crise financière rampante qui court depuis l’été 2007 était prévisible (et prévue !) tant nos sociétés occidentales vivent au dessus de leurs moyens. Notre mode de vie n’est pas durable et la finance est en train de s’en rendre compte.

Cette crise financière comporte tous les éléments annonciateurs d’une triple crise dont les conséquences amènent certains à estimer que nous vivons actuellement la fin d’une ère : la fin de l’holocène (partie 1, partie 2).

La mondialisation a amené tous les pans de notre monde à être interconnectés : toutes les régions du monde, tous les secteurs de notre économie. Aussi, quand une région du monde ou qu’un secteur est en crise, tous les autres secteurs et toutes les autres régions du monde peuvent être affectés par ricochet, selon un facteur multiplicateur variable.

La mondialisation permet la dilution des risques sur les acteurs du monde entier mais elle entraîne également l’augmentation du risque de crise systémique de grande ampleur. Une crise systémique est comme un jeu de domino où le premier domino qui tombe entraîne la chute des autres dominos les uns après les autres.

La crise systémique qui menace actuellement comporte trois facettes principale :

  • une crise énergétique
  • une crise sociale
  • une crise écologique

La crise énergétique trouve son origine dans l’épuisement progressif des ressources énergétiques, en premier lieu les hydrocarbures. Même si les médias ne sont pas diserts sur ce sujet, il y a fort à parier que l’année 2007 constitue un tournant du point de vue énergétique car de nombreux indices tendent à indiquer que le pic de pétrole a été atteint en 2007. Cela ne pourra être confirmé qu’a posteriori, d’ici quelques années. En effet, le pic de pétrole est d’autant plus délicat à analyser qu’il a de bonne chance d’être en réalité un plateau - une limite maximum de production indépassable - pendant quelques années, avant de décliner doucement et régulièrement. La production de pétrole diminuant, le coût de cette énergie indispensable va augmenter, signant ainsi l’arrêt de mort de l’énergie bon marché.

La crise sociale résulte de la crise énergétique susmentionnée. Elle engendrera une mutation en profondeur de notre société, aujourd’hui droguée à l’énergie bon marché. L’énergie bon marché permet à chacun de disposer de nombreux esclaves énergétiques mais cette ère étant bientôt définitivement révolue, nous sommes condamnés à imaginer un nouveau mode de vie, plus sobre et moins consommateur d’énergie.

Et enfin, la crise écologique, comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes, est annoncée par le GIEC qui étudie depuis 1988 le changement climatique. Le GIEC est un groupement international d’experts pluridisciplinaire dont les prospectives climatiques se basent en partie sur des modèles mathématiques. Ces modèles sont sans cesse corrigés et perfectionnés par les chercheurs mais ils comportent encore beaucoup d’inconnues, ce qui amène les chercheurs à formuler des hypothèses. Les prévisions des experts sont par conséquent difficilement chiffrables avec précision et les fourchettes communiquées sont généralement assez larges. Il est possible que les effets réels constatés dans quelques années ou quelques dizaines d’années soient bien au-delà de ce qui a été envisagé par le GIEC. Cela est d’autant plus vrai qu’il est parfois très difficile de prendre en compte les rétroactions. On parle de rétroaction dans le cas où un élément A a un effet sur un élément B qui a lui-même a un effet sur l’élément A. Dans certains cas, l’action cyclique des éléments A et B l’un sur l’autre peut avoir un effet d’emballement, entraînant la réalité des faits hors du périmètre exploré par les experts du GIEC. En conséquence - et même sans connaître avec précisions les conséquences futures de nos actes actuels - le principe de précaution impose de changer notre mode de vie. Et si on ne le fait pas pour nous, il est de notre devoir moral de le faire pour les jeunes générations et les générations futures. Cette crise sera vraisemblablement la dernière à apparaître à nos consciences borgnes car plus insidieuse et moins visible.

Ces problématiques sont abordées dans le texte mentionné au début de ce billet : Adieu à l’holocène (partie 1, partie 2) :

Les accords du type de celui de Kyoto supposent que tous les grands acteurs, une fois acceptées les conclusions scientifiques des rapports du GIEC, considéreront la maîtrise de l’effet de serre comme relevant d’un intérêt commun supérieur. Mais le réchauffement de la planète n’est pas « la guerre des mondes », où les envahisseurs martiens sont décidés à anéantir l’humanité toute entière sans distinction. Le changement climatique, au lieu de cela, aura des impacts très inégaux selon les régions du monde et les classes sociales. Il ne réduira pas, mais renforcera les inégalités géopolitiques et les conflits.

Comme l’a souligné le Programme de Développement des Nations Unies dans son rapport publié l’an dernier, le réchauffement de la planète est avant tout une menace pour les pauvres et les enfants à naître, qui sont « deux catégories n’ayant que peu ou pas de voix au chapitre politique. » Coordonner une action mondiale en leur nom supposerait soit que leur pouvoir se renforce de manière extraordinaire (un scénario non étudié par le GIEC), soit la transformation de l’égoïsme des pays riches et des classes sociales favorisées en une « solidarité éclairée », sans précédent dans l’histoire. D’un point de vue rationnel, cette dernière option semble la seule réaliste, à condition que soit démontré que les groupes privilégiés ne disposent pas d’une « porte de sortie » qui leur soit réservée, que l’opinion publique se préoccupant de questions internationales conduise l’élaboration des politiques dans les pays prépondérants, et que la diminution des gaz à effet de serre puisse être obtenue sans grands sacrifices dans le niveau de vie de l’hémisphère Nord. Mais aucune de ces éventualités ne semble très probable.

Et que se passera-t-il si la déstabilisation de l’environnement et les troubles sociaux, au lieu de dynamiser l’élan de l’innovation et de la coopération internationale, poussent seulement les élites vers des tentatives frénétiques pour se mettre à l’abri du reste de l’humanité ? Dans ce scénario, non étudié mais pour autant pas improbable, les efforts mondiaux pour réduire les émissions seraient tacitement abandonnés (comme, dans une certaine mesure, c’est déjà le cas) en faveur de l’accélération des investissements d’adaptation sélective destinés aux passagers de première classe de la Terre. Il s’agirait alors de créer un oasis vert de prospérité permanente isolé à l’écart d’une planète malade.

Finalement, le véritable danger - mais également la clé de la solution à tous les autres problèmes - est bien une problématique humaine :

À la lumière de ces études, la concurrence impitoyable entre les marchés de l’énergie et de l’alimentation, amplifiée par la spéculation internationale sur les matières premières et les terres agricoles, n’est qu’un modeste augure du chaos qui pourrait bientôt connaître une croissance exponentielle avec la concomitance de l’épuisement des ressources, des inégalités ingérables et du changement climatique.

Le véritable danger serait alors que la solidarité humaine elle-même, à l’image de la banquise de l’Ouest Antarctique, se rompe tout à coup et se brise en mille fragments.

Alors, que faire ? On peut commencer par utiliser la méthode préconisée par l’économiste libéral Milton Friedman (mais pour atteindre des objectifs différents !) : simplement diffuser et maintenir les idées en vies, jusqu’à ce qu’elles deviennent “acceptables”. Ce qui est vrai pour Milton Friedman et le libéralisme est vrai pour tout être humain se battant pour ses idées.