si, c'est vrai !

gauche de gauche, à gauche de la gauche

Avant le premier tour des élections présidentielles, Frédéric Lordon confiait à Télérama sa vision de la campagne présidentielle.

Selon lui, s’il existe une gauche de gauche, c’est qu’il existe une gauche de droite. C’est d’ailleurs un point sensible de certains partis qui parlent de partis à gauche de la gauche plutôt que de partis "de la gauche de gauche’'.

C’est cette sorte de solidarité inavouée [entre éditorialistes de gauche et politiques de gauche] qui conduit Libération à titrer pleine page un énorme « De gauche » (1) au lendemain du discours de François Hollande au Bourget, implacable et désastreuse logique où passent à la fois l’ombre de la dénégation, le désir forcené de croire soi-même à ses propres énoncés et d’y trouver un semblant de réassurance, a contrario l’importune révélation d’un doute profond qui suit de devoir réaffirmer ce qui normalement devrait aller sans dire – et manifestement ne va pas de soi : quiconque éprouve-t-il le besoin d’informer que Sarkozy est « de droite » ? –, enfin l’espoir d’un résidu de pouvoir performatif par lequel les assertions éditoriales parviendraient encore à faire être ce qu’elles énoncent. Hélas, solidaires dans la certification mutuelle de leur identité « de gauche », éditorialistes et hiérarques « de la gauche » sont solidairement emportés lorsque, mentionnant « la gauche de la gauche », ils laissent maladroitement entendre ipso facto que « la gauche », leur « gauche », n’est finalement pas très de gauche.

C’est en fin de compte une question de référentiel : si l’UMP est de gauche par rapport au Front National, l’UMP est de droite par rapport au Parti Communiste. Le référentiel, le cadre, étant actuellement très à droite, être de gauche n’est rien d’autre que sortir du cadre pour recréer un cadre à la gauche du précédent !

Il n’est pas inexact de dire parfois qu’« il n’y a pas alternative », mais à la condition – hors laquelle le fait d’escroquerie intellectuelle est constitué – d’ajouter aussitôt qu’une proposition de ce genre n’a de validité qu’à l’intérieur d’un certain cadre, et sous la prémisse implicite de ne pas toucher à ce cadre. Or si dans le « certain cadre » il n’y a pas d’autre solution possible, il y a néanmoins toujours la solution de sortir du cadre. Et de le refaire. Les choses deviennent alors étrangement simples sous cette perspective : être de gauche, c’est être prêt à attaquer le cadre. Si la gauche de gauche est un certain rapport au cadre, alors voilà quel il est : de liberté et de souveraineté.

Et comme le “parti socialiste au socialisme parti” n’est plus crédible, ayant perdu un peu plus de crédit à chaque fois qu’il était au pouvoir, c’est donc à sa gauche qu’il faut dorénavant prêter attention pour y trouver des forces vives.

C’est que la liste est si longue des renoncements, des conversions et des trahisons de « la gauche » qui n’est pas de gauche, la gauche de droite, en tout cas d’après ce criterium simple : être de droite, c’est vouloir ne pas changer le cadre ; être de gauche, c’est vouloir le transformer – et même 75% de taux supérieur d’imposition ne qualifient pas à être de gauche, qui ne font que réparer à la marge les dégâts d’inégalité à l’intérieur du cadre, inaltéré.

Alors où se trouve la vraie gauche ? Qui est la gauche de gauche ?

Et les Français qui votent à gauche ont-ils conscience de voter à gauche de la droite plutôt que pour une gauche de gauche ?