si, c'est vrai !

la dette, quelle dette ?

Dans un article intitulé la dette, quelle dette ?, Jean Gadrey s’intéresse aux comités d’audit citoyen et à leurs interrogations quant à l’origine et à la légitimité de la dette publique.

Depuis l’été 2011, l’appel national « Pour un audit citoyen de la dette publique », rassemblant vingt-neuf associations, organisations non gouvernementales (ONG) et syndicats, et bénéficiant du soutien de diverses formations politiques, a été signé par près de soixante mille personnes. Plus de cent vingt comités d’audit citoyen (CAC) se proposant de « remplacer les agences de notation » ont été créés depuis l’automne 2011. Comment expliquer un tel engouement ?

Cet engouement peut s’expliquer par les réponses simples aux questions simples que les participants découvrent en arrivant dans ces comités d’audit citoyen. Généralement peu concernés par les questions politiques et économiques, les participants sont souvent très surpris, voir incrédules, des conclusions auxquelles ils aboutissent.

Les dépenses de l’Etat français, en pourcentage de la richesse totale produite, n’auraient pas progressé depuis vingt ans ? Elles auraient même un peu baissé, passant de 24 % du produit intérieur brut (PIB) au milieu des années 1980 à 22 % au milieu des années 2000 ?

Oui.

Les recettes de l’Etat ont perdu quatre point de PIB, passant de 22 % à 18 % > sur cette période ? « Ils » ont donc fait le choix de priver > l’Etat de recettes ?

Oui.

Les cadeaux fiscaux décidés au cours des années 2000 représentent vraiment un manque à gagner de 100 milliards par an ?

Oui.

De nombreux grands pays du monde, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont une banque centrale qui prête directement à l’Etat à des taux proches de zéro, et pas nous ?

Oui.

Si la banque centrale européenne (BCE) avait accepté de prêter directement aux pays de la zone euro comme elle le fait pour les banques, c’est-à-dire à 1 %, aucun ne serait désormais confronté à une dette jugé “insupportable” ?

Oui.

On pourrait refuser de payer une dette publique quand on l’a déjà contractée ? Mais est-ce que cela a déjà été fait ?

Oui. Cela est déjà arrivé en Russie en 1998, en Argentine pendant la première moitié des années 2000, en Equateur en 2007 et 2008, en Islande en 2008.

Cela amène certains collectifs d’audit citoyen à remettre en cause une partie de la dette publique française. Une remise en cause salutaire, mais modérée et argumentée.

Des collectifs estiment […] que l’idée d’illégitimité [d’une partie de la dette publique française] s’appuie sur 3 arguments dont chacun suffirait à justifier l’usage de ce terme dans son acception courante : “Qui n’est pas conforme au bon droit, à l’équité, sur le plan moral, intellectuel ou matériel.”

Le premier argument est celui de l’injustice des décisions qui ont creusé la dette : fiscalité de classe, niches pour riches, hausse des inégalités… Le deuxième renvoie à des choix non conformes à l’intérêt général : confier les dettes publiques aux marchés, c’est-à-dire aux spéculateurs. Le troisième met en avant des décisions prise à la fois « sur le dos » et « dans le dos » des peuples : sur leur dos, en faisant payer la crise à ceux qui ne sont pour rien dans son déclenchement ; dans leur dos, en raison du déficit de démocratie et de la mainmise de l’oligarchie néolibérale sur l’information.

Dès lors que les citoyens semblent être plus inventifs que les gouvernants et proposent des solutions qui semblent plus adaptées, n’est-ce pas le signe d’une démocratie qui aurait laissé la place à une oligarchie déguisée en aristocratie ?