si, c'est vrai !

contre le défaitisme

Dans un article intitulé contre le défaitisme, Cédric Durand analyse la capitulation de Syriza en Grèce et la signification de cette défaite.

Cédric Durand évoque le motif principal de la défaite : le refus de la rupture avec l’euro.

Cette préférence pour la défaite au niveau national au nom d’une inaccessible victoire directement continentale est la raison principale pour laquelle les bifurcations possibles en Grèce ont été enterrées. Le refus de rompre avec l’euro par la gauche fut la pierre angulaire du problème […]

Projet inachevé, sans volet social, l’Europe est devenue un projet hors-sol, sans peuple et a-démocratique.

En accentuant la désarticulation des temps économiques et en excluant systématiquement les enjeux sociaux de l’agenda, l’Union économique et monétaire empêche la naissance d’une puissance populaire à l’échelle continentale. Supportant exclusivement les intérêts du capital, L’Union européenne est finalement elle-même la cause de l’inachèvement du proto-État européen.

Finalement, si la sortie de l’euro n’aurait probablement pas été une partie de plaisir, elle aurait été possible, et même probablement moins pire que l’austérité subie par la Grèce depuis plusieurs années.

Les quelques éléments [présentés dans l’article] montrent que le caractère apocalyptique d’une sortie de la zone euro dans le cas de la Grèce fut amplement exagéré. Tout donne au contraire à penser que se dégager du carcan de l’Union monétaire était le meilleur moyen de regagner des marges de manœuvre macroéconomiques permettant à un gouvernement de gauche radicale de mener sa propre politique.

L’euro est une monnaie faite par et pour les riches. Les pauvres n’en tirent aucun avantage. Passer d’une monnaie nationale à l’euro était donc une victoire des dominants dans la lutte des classes.

Proto-monnaie mondiale, l’euro est indispensable pour les grandes firmes et le secteur financier et bénéficie à tous ceux qui possèdent un patrimoine financier quelque peu significatif. Elle est aussi agréable aux classes culturellement les mieux dotées qui profitent des facilités de voyages qu’elle permet. Mais pour la majeure part de la population laborieuse et les privés d’emplois, tous ceux qui ne voyagent guère et n’ont pas de patrimoine à faire fructifier, la monnaie unique n’apporte rien. Un attachement symbolique peut subsister, mais il est ténu. Surtout qu’à travers les désalignements de taux de change et en l’absence de transferts budgétaires significatifs, l’euro est un canal essentiel de l’intensification de la concurrence et donc des fermetures d’établissements et des suppressions d’emplois dans les secteurs des biens et services échangeables. Pour les secteurs exposés et les chômeurs, vu sous cet angle, l’euro est un ennemi naturel.

L’Europe en tant que rêve est déjà morte. Elle consiste en une structure bureaucratique qui fonctionne sur l’élan des débuts de la construction européenne, mais elle est dorénavant bien pâle en comparaison du rêve qu’elle incarnait à ses débuts.

En quelques années le signifiant Europe a changé de contenu. Ce mot évoquait la fraternisation de peuples autrefois ennemis, la promesse d’une démocratie post-nationale, celle d’une prospérité partagée. Il est désormais synonyme de dépression économique, d’austérité, d’autoritarisme et de rancœur ravivées entre les peuples. Loin d’apporter une convergence des standards de vie à l’échelle continentale, il a produit une polarisation sociale accrue au sein des pays et entre les pays. Les économies de la périphérie sont cantonnées à un statut de semi-protectorat sous le joug d’un nouvel impérialisme orchestré au premier chef par les classes dominantes allemandes et leurs alliées européennes, à commencer par les multinationales françaises de l’industrie et de la banque.

La conclusion de Cédric Durand est sans appel : la gauche doit abandonner ses rêves européistes et revenir à un projet social, quitte à s’éloigner de celui de l’Europe.

Pour ne plus s’écraser dans l’insignifiant, la gauche doit s’arrimer solidement aux intérêts immédiats des subalternes, c’est-à-dire récuser l’austérité et préparer la sortie de la monnaie unique. Au défaitisme de l’autre Europe s’oppose la volonté de rompre.

Quand le rêve est devenu cauchemar, il est temps de se réveiller.