si, c'est vrai !

élections : faiblesses et perspectives, partie 4

La manière de présenter les résultats d’une élection n’est pas anodine.

Le précédent billet de cette série, intitulé élections : faiblesses et perspectives, partie 3 présentait les résultats du second tour de l’élection présidentielle française de 2011, et relativisait ces résultats en les présentant sous d’autres angles.

Examinons maintenant d’autres mécanismes électoraux qui pourraient contrer les travers abordés ci-dessus.

faiblesses

des élus à la légitimité discutable

Dans un article intitulé les syndicats devraient reconsidérer les vertus des grèves reconductibles, Stéphane Sirot discute de la légitimité de Emmanuel Macron, élu président de la république le 10 mai 2017.

Macron a dit mardi que « La démocratie ce n’est pas la rue ». Une manière de s’affirmer comme seul détenteur de la légitimité, alors qu’il a été élu par 43,6% des électeurs inscrits, dont 16% seulement ont affirmé le choisir pour son programme…

Dans un billet du magazine Reporterre intitulé le sortilège oligarchique, c’est le taux de participation des élections législatives du 11 juin 2017 qui est évoqué. Avec 51 % d’abstention aux législatives, l’auteur estime que le parti arrivant en tête aux élections n’a pas la légitimité d’une véritable majorité absolue.

Mais la légitimité du nouveau pouvoir est discutable. « Quand 31 % des voix donnent à un parti 71 % des députés, est-on encore dans une ‘démocratie représentative’ ? », interroge le journaliste Pascal Riché. La réponse est simple : non. On est passé dans un système oligarchique.

L’abstention a dépassé 51 % en ce premier tour des législatives, le 11 juin 2017, du jamais vu depuis… 1958. Et si l’on représente l’état des forces politiques en intégrant ce phénomène, on constate, comme l’a fait Yoann Ferret, que La République en marche, le mouvement de M. Macron, aura la majorité absolue avec… 13,4 % des électeurs inscrits.

L’auteur estime qu’on est passé d’une démocratie représentative à un système oligarchique.

Une vidéo #DATAGUEULE intitulé régime représentatif, mais de quoi ? résume bien toutes les faiblesses de l’élection telle qu’elle est pratiquée en France.

le principe même de l’élection à la légitimité discutable

Comme évoqué dans un article intitulé le vrai du faux : y a-t-il 7 millions de non-inscrits ou mal-inscrits sur les listes électorales ?, en additionnant les non-inscrits et les mal-inscrits, on arrive à un total élevé estimé à 9 millions de personnes.

Soit 9 millions de personnes qui n’accordent pas ou peu d’importance à l’élection.

perspectives

L’élection telle qu’elle est pratiqué en France est un système clivant qui amène les soutiens des uns à s’opposer aux soutiens des autres. Il existe d’autres mécanismes électifs bien moins clivants.

une élection à 2 tours

En France le scrutin uninominal majoritaire à deux tours présente un défaut important : il favorise les puissants et défavorise les faibles : seuls les candidats ayant obtenu les voix d’au moins 12,5 % des inscrits ou, à défaut, les deux candidats arrivés en tête peuvent se maintenir au second tour.

Dans un article intitulé et si les législatives s’étaient disputées à la proportionnelle ?, les décodeurs ont simulé une élection à la proportionnelle intégrale :

Nous avons simulé une proportionnelle intégrale nationale, où chaque parti obtiendrait un nombre de députés équivalent à son score de premier tour. Selon nos calculs, LRM et le MoDem n’auraient, dans ce cas, obtenu qu’une majorité très relative de 186 députés, à peine supérieure à une éventuelle coalition des forces de gauche (164). L’extrême droite et la gauche radicale auraient fait une entrée en force au Palais-Bourbon, alors que le système actuel, qui leur est structurellement défavorable, ne leur prédit qu’une poignée de sièges.

Les règles de l’élection ne sont pas neutres. Elles favorisent par construction une certaine évolution du paysage politique. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours favorise la concentration des partis tandis que la proportionnelle intégrale favorise la diversification des partis.

la sélection au second tour

En outre, il est intéressant de s’interroger sur la raison qui conduit à ne sélectionner pour le second tour de l’élection présidentielle que les deux candidats en tête du premier tour. Cela conduit mécaniquement à renforcer le bipartisme, et les deux partis qui arrivent en tête du second tour.

Ils auront au second tour une légitimité artificiellement construite par le mécanisme électoral. Via les reports de voix, ils se considéreront comme représentatifs de la France alors que chacun ne dépasse pas 20 % des électeurs potentiels au premier tour.

Suite au premier tour, on pourrait sélectionner tous les candidats jusqu’à ce que la somme de leur voix représente plus de 50 % des électeurs potentiels.

voter pour des idées

Une alternative possible consisterait à voter pour des idées plutôt que pour des personnes. Cela permettrait de construire des partis autour des idées plutôt qu’autour des personnes.

Cela aurait pour effet de confier au politique un rôle de mandataire, dans le cadre d’un mandat impératif.

imaginer d’autres modes de scrutin

Une vidéo intitulée monsieur le président, avez-vous vraiment gagné cette élection ? par la chaîne la statistique expliquée à mon chat illustre 5 systèmes électifs différents où les mêmes votes génèrent 5 résultats différents selon le mécanisme adopté. Celui en vigueur en France n’est pas forcément le plus adapté.

Une autre vidéo intitulée réformons l’élection présidentielle ! par la chaîne Science étonnante analyse plusieurs systèmes de vote alternatifs et présente :

D’après l’auteur de cette vidéo (qui accompagne sa vidéo d’un long billet de blog semble estimer que le meilleur système de vote pour une élection serait le jugement majoritaire.

tester d’autres modes de scrutin

L’équipe Voter Autrement 2017 a mené une étude sur 2 modes de scrutins alternattifs :

  • le vote par approbation
  • le vote par note sur échelle continue

L’intérêt de l’étude est qu’elle s’est déroulé le dimanche 23 avril 2017, dans les bureaux de vote, et pour la même élection que celle en cours, à savoir le premier tour de l’élection présidentielle française.

Le dimanche 23 avril 2017, lors du premier tour de l’élection présidentielle française, nous avons mené une expérimentation sur les modes de scrutin. Cette expérimentation avait lieu dans 5 lieux de vote en France, dont la Halle des Sports du Vieux Temple à Grenoble (englobant 3 bureaux). L’objectif scientifique de cette expérimentation était principalement de comprendre dans quelle mesure le choix d’un mode de scrutin influence le résultat d’une élection et la manière dont les individus s’expriment. À Grenoble, les participants étaient invités à s’exprimer sur papier sur les candidats à l’élection présidentielle selon deux modes de scrutin alternatifs : le vote par approbation et le vote par note sur échelle continue.

Les résultats de l’étude sont disponibles en ligne et montrent que les candidats marqués à gauche seraient clairement favorisés avec ces modes de scrutin alternatifs. Un article du monde diplomatique intitulé noter pour mieux voter ? revient sur cette initiative et sur ses résultats.

se passer de l’élection

Enfin, on peut aussi retenir que le vote n’est pas la démocratie et qu’il convient de le considérer comme une modalité parmi d’autres possibles d’expression de la démocratie.

Mais alors si le vote n’est pas la démocratie, qu’est-ce qui caractérise la démocratie ?