si, c'est vrai !

j'ai pas voté

En France, les élections successives voient le taux d’abstention augmenter de manière régulière. Et la caractéristique des abstentionnistes, c’est qu’ils n’expriment pas d’opinion. Leur opinion est donc souvent interprétée à tort et à travers par des éditorialistes trop heureux de se donner la légitimité de parler en leur nom.

Le documentaire intitulé j’ai pas voté aborde le sujet des abstentionnistes pour tenter de comprendre le sens de leur geste sans se cantonner dans les analyses superficielles ou orientées.

L’analyse du documentaire démarre sur le fait que tous les grands partis sont alignés sur les questions des politiques économiques et sociales. Par conséquent, le débat de fond est anéantis par la recherche du pouvoir.

La suite du documentaire imagine une parodie où les résultats d’une élection (dans le cas présent, les élections législatives de 2012) ne dissimuleraient pas l’abstention. Cette simulation de résultat suppose qu’une circonscription n’a aucun député élu si jamais l’abstention est majoritaire. Elle entraînerait un résultat surprenant : 17 députés élus sur 577.

S’ils formaient un parti, les abstentionnistes constitueraient une force politique extrêmement influente. Aujourd’hui, une partie des abstentionnistes ne se désintéressent pas de la politique, ils sont au contraire sont extrêmement politisés. Ces abstentionnistes politisés ne voient pas l’élection comme un moyen d’exprimer leur avis ou de faire progresser leurs idées.

La stratégie consciente du Front National est de recruter parmi ces abstentionnistes, de ratisser large auprès de tous les déçu des partis traditionnels.

La caractéristique d’une démocratie représentative est que le peuple n’a pas de pouvoir entre 2 élections. Une illustration de cette caractéristique réside malheureusement dans le traité de Lisbonne où 80 % du parlement était pour la ratification tandis que 55 % des Français se sont positionnés contre la ratification. Le résultat du référendum de 2005 fut nié suite à la ratification du traité par le parlement en 2008. Le gouvernement a donné au peuple une illusion de pouvoir en organisant un référendum, mais à brisé cette illusion en décidant finalement la ratification du traité de Lisbonne par le parlement.

Le documentaire pose alors une question essentielle : une démocratie représentative est-elle réellement une démocratie ? En repartant de -500 av. JC, l’histoire de la démocratie en Grèce amène à penser qu’aujourd’hui, la France n’est pas en démocratie mais sous un régime représentatif (inventé fin du 18ième, comme alternative à la démocratie et à la monarchie). Le fondateur de ce régime représentatif est l’abbé Sieyès. Ce leader révolutionnaire - et inventeur du système représentatif - rejetait explicitement le gouvernement démocratique afin d’exclure le peuple des décisions politiques, estimant que le peuple n’était pas capable de prendre des décisions.

Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-même la loi. Ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet état représentatif, ce serait un état démocratique.

Le régime actuel, hérité de la révolution française, est un régime où la légitimité vient du peuple (et non plus du droit divin), mais le pouvoir de décider revient aux représentants, à quelques-uns. La révolution de 1789 était une révolution des bourgeois. Avec la mise en place du suffrage censitaire, seuls les riches votaient. Cette révolution était bien une victoire du tiers-état sur la noblesse et le clergé. Mais c’était surtout une victoire de l’élite du tiers-état, à savoir les bourgeois. Et comme les bourgeois représentaient la totalité du tiers-état, il est normal que le système mis en place soit un système représentatif : cela permettait aux bourgeois de garder le pouvoir, en évitant de le partager avec le reste du tiers-état. Lors de cette révolution, le peuple n’a pas su défendre ses droits, même si Jean-Jacques Rousseau défend une vision de démocratie directe, en expliquant qu’un système représentatif est voué à l’échec car il est impossible de représenter fidèlement un peuple. Jean-Jacques Rousseau ne sera pas entendu et la vision de l’abbé Sieyès prendra le dessus.

Dans notre démocratie représentative, le vote est l’élément démocratique du gouvernement représentatif. Mais le vote n’est pas le fondement de la démocratie, il en est juste une de ses composantes. La France est souvent qualifiée de démocratie, il serait plus juste de la qualifier d’aristocratie élective.

Les représentant ne sont sociologiquement pas représentatifs de la population, ce sont principalement de vieux mâles blancs éduqués. La représentativité des représentants n’est aucunement garantie par la constitution. Mais que dit la constitution alors ?

L’article 2 de la constitution est ambitieux mais aussitôt corrigé par l’article 3 :

  • article 2 :

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

  • article 3 :

La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.

Le mandat impératif cher aux anarchistes est donc inconstitutionnel.

Une véritable démocratie repose sur le principe que chacun est jugé apte à produire du jugement politique, et donc à décider, directement, sans représentant.

Le système représentatif actuellement en vigueur en France repose sur le principe inverse : pour produire des décisions, il faudrait être qualifié, avoir des capacités supérieurs à celles du citoyen ordinaire. Le système politicien s’est organisé pour organiser cette qualification et produire ces capacités dites supérieures. Les politiciens sont presque tous des clones qui sortent des mêmes moules (Science Po, ENA) puis qui font leurs choix politique selon des stratégies d’opportunité de carrière plutôt qu’en fonction de leurs convictions. En ont-ils seulement ?

En outre, le cumul des mandats incite à la professionnalisation de la politique et est une des raisons de l’éloignement les citoyens de la chose publique. 80 % des députés et des sénateurs sont cumulards. Pourquoi voulez-vous qu’ils votent eux-même des lois mettant fin à cette situation confortable, ce verrou politique inamovible ? Ils cherchent seulement à protéger leur propre classe, la classe politique.

Dans le film le président de Henri Verneuil, le président joué par Jean-Gabin prononce un discours qui n’a pas pris une ride :

La politique devrait être une vocation, pas un métier.

Mais si l’élection ne permet pas de garantir le côté démocratique d’un système, comment faire pour se rapprocher de cet idéal démocratique ?

Le documentaire propose une idée qui est le fondement de la démocratie athénienne : le tirage au sort.

Il affirme que le tirage au sort de citoyens ordinaires à qui on permet d’avoir accès à des informations pertinentes et à une formation adéquate est une méthode très efficace pour mener un débat constructif. En définitive, ce documentaire un plébiscite du tirage au sort en remplacement de l’élection.