Pour le philosophe Jacques Rancière, l’élection n’est pas la démocratie.
Dans son principe, comme dans son origine historique, la représentation est le contraire de la démocratie. La démocratie est fondée sur l’idée d’une compétence égale de tous. Et son mode normal de désignation est le tirage au sort, tel qu’il se pratiquait à Athènes, afin d’empêcher l’accaparement du pouvoir par ceux qui le désirent.
La représentation, elle, est un principe oligarchique : ceux qui sont ainsi associés au pouvoir représentent non pas une population mais le statut ou la compétence qui fondent leur autorité sur cette population : la naissance, la richesse, le savoir ou autres.
Notre système électoral est un compromis historique entre pouvoir oligarchique et pouvoir de tous : les représentants des puissances établies sont devenus les représentants du peuple, mais, inversement, le peuple démocratique délègue son pouvoir à une classe politique créditée d’une connaissance particulière des affaires communes et de l’exercice du pouvoir. Les types d’élection et les circonstances font pencher plus ou moins la balance entre les deux.
L’élection d’un président comme incarnation directe du peuple a été inventée en 1848 contre le peuple des barricades et des clubs populaires et réinventée par de Gaulle pour donner un «guide» à un peuple trop turbulent. Loin d’être le couronnement de la vie démocratique, elle est le point extrême de la dépossession électorale du pouvoir populaire au profit des représentants d’une classe de politiciens dont les fractions opposées partagent tour à tour le pouvoir des «compétents».
Le terme de populisme est un artifice commode pour discréditer toute forme de politique visant à remettre en cause l’ordre établi.
La notion de populisme est faite pour amalgamer toutes les formes de politiques qui s’opposent au pouvoir des compétences autoproclamées et pour ramener ces résistances à une même image : celle du peuple arriéré et ignorant, voire haineux et brutal. On invoque les pogroms, les grandes démonstrations nazies et la psychologie des foules à la Gustave Le Bon pour identifier le pouvoir du peuple et déchaînement d’une meute raciste et xénophobe.
La véritable démocratie reste à inventer !