si, c'est vrai !

de l'avenir d'internet et de notre société

Benjamin Bayart est l’auteur de la conférence intitulée Internet libre, ou Minitel 2.0 ? au cours de laquelle il explique l’importance de défendre, protéger et promouvoir la caractéristique décentralisée d’internet.

Faisant suite à cette conférence, un “entretien numérique” intitulé il est désormais possible de relocaliser le monde lui donne l’occasion de revenir sur des sujets importants liés à internet mais qui dépassent la problématique technique d’internet pour s’intéresser aux effets qu’il peut induire sur la société.

En fait, il ne s’agit pas de comprendre le réseau, mais la société qui vient. Et parmi ces fondamentaux, il y a d’abord la nécessité de comprendre la modification du tissus social. C’est assez facile à expliquer. Posons qu’une société se définit par les interactions entre les gens : le média structure la société. Il n’y a là rien de neuf. C’est-à-dire qu’il y a eu la société de l’écriture manuscrite, puis la société que l’imprimerie a formé – qui est l’un des facteur-clés dans le passage du Moyen-Âge à la Renaissance. Il y a ensuite la société que la télévision a formé, qui est encore différente. Et enfin, il y a Internet, qui change beaucoup plus profondément les choses que la télévision.

Ces évolutions techniques portent des modèles profonds. L’imprimerie, c’est un éditeur qui juge que l’écrit est suffisamment important pour être publié et qui le diffuse vers des lecteurs n’ayant pas eu leur mot à dire dans cette décision. C’est un monde vertical. Alors qu’avec Internet, tout le monde publie, et lit qui veut bien lire. Le modèle – je parle bien du réseau, pas de services à la Google ou Facebook – est ainsi totalement horizontal.

Il aborde ensuite le sujet de la propriété intellectuelle, qui a bien occupé nos politiciens et la scène médiatique ces dernières années avec les lois à répétition qui concourent à filtrer internet à le recentraliser.

Bien sûr que non. Parce qu’une idée ne peut pas être à vous. Si vous étiez né dans une grotte d’ermite, abandonné par vos parents et élevé par des loups, et qu’il vous vienne une idée géniale, on pourrait légitimement supposer qu’elle est un peu à vous ; elle serait à 90 % aux loups, mais un peu à vous. La véritable quantité d’innovation dans une œuvre de l’esprit est toujours marginale. À preuve, si une œuvre de l’esprit est trop innovante, elle devient incompréhensible : si vous inventez la langue dans laquelle votre texte est écrit, il ne sera jamais lu.

La très grande majorité d’une œuvre appartient donc de facto à la société. L’apport de l’auteur est extrêmement faible – ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas de valeur. C’est l’une des raisons pour laquelle, dans les débats sur le droit d’auteur au début du XIXe, un grand principe s’est imposé, celui du domaine public. Par principe, toute œuvre appartient au domaine public ; par exception et pendant un temps donné, une exclusivité est accordée à l’auteur. C’était alors une exception de très courte durée ; de mémoire, ce devait être neuf ans renouvelables une fois. Aujourd’hui, cette durée est devenue délirante : on parle de rémunérer les petits-enfants pour le travail effectué par le grand-père…

Enfin, la problématique de la décentralisation peut très bien trouver sa solution dans l’auto-hébergement de ressources informatiques et réseaux.

Il en va de même en ce qui concerne les serveurs. Si vous avez chez vous un petit bout de serveur qui correspond parfaitement à la puissance dont vous avez besoin (soit moins de puissance qu’un iPhone pour la majorité des gens, c’est-à-dire une quantité d’énergie très limitée) : parfait. Pas besoin d’alimenter des bandes passantes énormes vers des serveurs qui sont à l’autre bout de la planète, stockés par centaines de milliers dans un data-center de 30 000 mètres carrés qu’il faut refroidir en permanence – pour peu que ce soit dans les déserts de Californie, il faut les climatiser… L’efficacité énergétique est bien meilleure quand le réseau est décentralisé, il est même possible de l’alimenter avec un petit peu de photovoltaïque. Essayez un petit peu d’alimenter un data-center avec du photovoltaïque, on va doucement rigoler…

Pour résumer : tel qu’il existe aujourd’hui, le coût énergétique du réseau est négligeable par rapport aux gains qu’il permet ; mais il est très important par rapport à ce qu’il pourrait être. Par contre, le coût énergétique des machines de Google – qui ne participe pas du réseau, mais des services – est tout simplement énorme. Vous saviez que Google, qui doit faire tourner peu ou prou dix millions de machines, était le deuxième ou troisième plus gros fabricant d’ordinateur au monde ? Juste pour ses propres besoins… C’est du délire.

L’avenir nous dira si nous avons su tirer partie d’internet comme un levier de progrès social, ou comme un facteur de régression sociale.

le commencement de la fin

Quand Frédéric Lordon intitule son article le commencement de la fin, c’est qu’il est temps d’interrompre les déclarations tonitruantes d’optimiste et de regarder la situation en face.

Alors que d’autres affirmeront un mois plus tard qu’il vaut mieux se préparer au pire (même si c’est pour l’éviter), Frédéric Lordon affirme que “la certitude de la catastrophe finale commence à se profiler”.

Maintenant que sont bruyamment signifiées, à propos du cas a priori le plus favorable, l’impossibilité de le régler dans un horizon de moyen terme et l’injonction sans appel d’aller se jeter dans l’impasse de l’austérité, la certitude de la catastrophe finale commence à se profiler. C’est sous cette perspective qu’il est plus judicieux de reformuler le problème général de la dette – mais évidemment en de tout autres termes : la mondialisation néolibérale va périr par la dette parce que, à l’encontre de l’idée reçue qui le présente comme la raison économique même, le néolibéralisme est fondamentalement le régime économique du surendettement généralisé.

Ensuite, l’outil de secours mis en place par l’Union européenne, le FESF n’est vraiment pas à la hauteur du péril qui vient.

Il faut s’y faire : les ruines fumantes, l’insuffisance générale des dynamiques politiques européennes, nous y conduit tout droit. Si l’Espagne et l’Italie basculent, adieu Berthe ! L’EFSF saute comme un bouchon de champagne, la spéculation se déchaîne contre toutes les dettes souveraines, plus aucun dispositif ne peut l’enrayer, une série de défauts importants devient quasi-certaine, les systèmes bancaires européens, puis étasunien, s’écroulent dans un fracas qui fera passer la chute de Lehman pour une animation d’ambiance. Rendu à cette extrémité, il n’y a plus qu’une voie de recours : on ne sortira de pareil effondrement que par une opération de création monétaire inouïe et tout ça se finira dans un océan de liquidités.

Enfin, il estime que le lobby de la finance ne se rendra pas de lui-même, mais qu’il succombera des conséquences de son essence même plutôt que d’un mouvement insurrectionnel.

Mais l’essentiel est ailleurs : il est dans le fait que jamais un groupe d’intérêt aussi puissant que celui qui s’est constitué autour de la finance lato sensu ne renoncera de lui-même au moindre de ses privilèges, et que seuls peuvent le mettre à bas la force d’un mouvement insurrectionnel – puisqu’il est bien clair par ailleurs qu’aucun des partis de gouvernement nulle part n’a le réel désir de l’attaquer –, ou bien la puissance dévastatrice d’une catastrophe que son système aura lui-même engendré. A l’évidence, c’est cette dernière hypothèse qui tient la corde, et puisqu’elle déploie maintenant ses effets avec la force de fatalité du tsunami évoqué en ouverture, il ne reste plus qu’à attendre qu’elle accomplisse pleinement ses virtualités… pour en tirer le meilleur parti : reconstruire les institutions de la création monétaire souveraine, avec tout ce qu’elle suppose et de possibilités rouvertes et aussi de rigoureux encadrements ; réinventer des structures bancaires qui à la fois échappent aux prises d’otage de la banque privée et dépassent la forme « nationalisation » vers un système socialisé du crédit ; réduire au minimum minimorum la structure des marchés de capitaux pour lui ôter tout pouvoir de nuisance et d’usurpation. Soit, sur les ruines, enfin tout rebâtir.

Une fois le système à terre, il sera alors temps d’en reconstruire un autre. D’où l’importance de diffuser les idées et de les maintenir en vie pour qu’elles soient prêtes à germer le moment venu, lorsque le printemps sera là.

se préparer au pire

En septembre 2011, Jacques Attali invitait à se préparer au pire, pour l’éviter.

Il serait temps, en France, de se préparer au double choc à venir de la crise bancaire et de la crise des finances publiques. Il vient. Il sera là bientôt. Et personne ne réfléchit assez au scénario du pire ; comme s’il suffisait, pour le conjurer, de ne pas y penser.

Il proposait alors un déroulement en dix étapes. Quatre mois plus tard, son intuition ne semble toujours pas démentie par les faits.

Reste à déterminer quelle est l’étape que nous traversons actuellement…

rendre inaliénables les biens communs

Alors que certains cherchent à définir la notion de bien commun, à défendre les moyens de rendre communs certains biens d’intérêt général, Ugo Mattei réfléchit à l’étape suivante : comment protéger les biens communs d’un gouvernement indélicat ou illégitime qui privatiserait des biens communs préservés ou construits par des générations précédentes ?

Comment protéger la propriété collective lorsque, pour « équilibrer » leur budget, des gouvernements bradent les services publics ou dilapident les ressources naturelles ? Forgée dans le monde anglo-saxon et développée dans des pays aux états peu centralisés comme l’Italie, la notion de « biens communs » propose de dépasser l’antinomie entre propriété publique et propriété privée.

L’objectif défendu par Ugo Mattei est bien de rendre inaliénables les biens communs.

le trilemme de Rodrik

Un article des Echos intitulé du dilemme qu’impose le triple A au trilemme de Rodrik soutien qu’il n’est pas possible qu’il existe simultanément les trois éléments suivants :

  • une intégration économique et financière poussée (libre échange, flux de capitaux, monnaie unique),
  • des états-nations souverains et
  • la démocratie.

le trilemme de Rodrik

En suivant la thèse de Dani Rodrik, on peut donc se poser la question de savoir si les trois éléments sont présents (à l’échelle de la France, de l’Europe ou de tout autre pays) et quelle est leur dynamique d’évolution.

Avec la commission européenne, la BCE, l’OMC et le FMI, on constate que l’intégration économique et financière est chaque jour un peu plus poussée. L’augmentation du commerce international, des flux financiers et de la vitesse de ces flux financiers en est l’indicateur.

Le bourbier dans lequel patauge l’Union Européenne met en lumière les craintes des pays de l’Union Européenne de renoncer à leur souveraineté pour la transférer à l’Union Européenne. Les pays membres de l’Union Européenne ne semblent pas prêt à abandonner leur souveraineté.

En conséquence, c’est bien la démocratie qui semble pâtir du chemin pris par la construction européenne et la mondialisation.

Alors si la mondialisation met en danger la démocratie, est-ce que la dé-mondialisation signifie la re-démocratisation ?

un futur fondamentaliste ?

Dans son article intitulé pourquoi les islamistes devraient remercier Israël, Uri Avnery - écrivain et journaliste israélien - explique en quoi Israël a une responsabilité dans le renforcement de mouvements fondamentalistes au moyen-orient.

Si l’article est intéressant, sa conclusion fait froid dans le dos :

Un jour peut-être, un Israël fondamentaliste fera la paix avec un monde musulman fondamentaliste, sous l’égide d’un président américain fondamentaliste.

Une vision donne à réfléchir sur le sens de la paix.

la semaine de quatre jours, solution à la crise ?

Pierre Larrouturou, ancien socialiste dorénavant membre d’Europe Ecologie revient sur les mesures de réduction du temps de travail : les 35 heures et les 32 heures.

Il défend l’idée que la principale cause du chômage réside dans les gains de productivité non reportés sur la réduction du temps de travail. Les délocalisations souvent évoquées par les politiciens pour justifier leur inaction ne seraient responsables que d’environ 15% des destructions d’emplois.

Le débat public se concentre actuellement sur la mondialisation (ou la démondialisation), mais la plupart des économistes reconnaissent que les délocalisations ne sont responsables que d’environ 15 % des destructions d’emplois. La vraie cause du chômage, ce sont les gains de productivité colossaux enregistrés depuis les années 1970. La productivité a étéultipliée « seulement » par 2 entre 1820 et 1960, puis par 5 depuis 1960 grâce à la multiplication des robots et des ordinateurs. C‘est prodigieux ! Parallèlement, sur les quatre dernières décennies, le temps de travail hebdomadaire a quasiment stagné, alors qu’il avait presque diminué de moitié durant le siècle précédent. Mécaniquement, si la révolution de l’informatique ne s’est pas répercutée sur une réduction du temps de travail, elle s’est convertie en destructions d’emplois.

Son article intitulé la semaine de quatre jours, solution à la crise ? mérite une lecture attentive.

ceci n'est pas une crise

Ceci n’est pas une crise, ou alors elle est écologique !

Les faits racontent que la richesse mondiale, elle, progresse sans cesse, que l’humanité n’a jamais été aussi riche qu’en ce moment. Ce qui signifie, concrètement, qu’il n’y a aucune crise économique en cours. Ce qui signifie, concrètement, que toute politique visant à réduire encore un peu plus les moyens de subsistance d’une partie de plus en plus importante de la population mondiale est une politique délibérée de paupérisation à grande échelle, une politique de création artificielle d’inégalités insupportables, une politique de confiscation des ressources du plus grand nombre pour le profit de quelques-uns.

La conclusion de cet article intitulé effet ciseau donne à réfléchir…

euro : en sortir ou pas ?

Dans son article intitulé euro : en sortir ou pas ?, Michel Husson analyse les points forts et les points faibles de la zone euro et de son histoire.

Il commence par un rapide résumé de la crise que nous traversons :

Le déroulement de la crise peut se résumer de manière simple: le capitalisme s’est reproduit durant les deux décennies précédant la crise en accumulant une montagne de dettes. Pour éviter l’effondrement du système, les Etats ont repris à leur compte l’essentiel de ces dettes qui, de privées, sont devenues publiques. Leur projet est dorénavant de présenter la facture aux citoyens sous forme de coupes budgétaires, d’augmentation des impôts les plus injustes et de gel des salaires. En résumé la majorité de la population (travailleurs et retraités) doit assurer la réalisation de profits fictifs accumulés durant de longues années.

Et remet aussitôt en cause l’histoire de l’Europe et la base sur laquelle l’espace économique a été fondé :

Le ver était dans le fruit. Vouloir construire un espace économique avec une monnaie unique, mais sans budget, n’était pas un projet cohérent. Une union monétaire tronquée devient une machine à fabriquer de l’hétérogénéité et de la divergence. Les pays connaissant une inflation supérieure à la moyenne perdent en compétitivité, sont incités à fonder leur croissance sur le surendettement.

Selon Michel Husson, la solution a cette crise passe par un autre partage des richesses. Il point en effet le fait que la part des salaires dans le PIB de la France n’a cessé de baisser depuis 1980 (voir aussi l’article intitulé partage des richesses, la question taboue) :

Le principe essentiel, c’est la satisfaction optimale des besoins sociaux. Le point de départ est donc la répartition des richesses. Du point de vue capitaliste, la sortie de crise passe par une restauration de la rentabilité et donc par une pression supplémentaire sur les salaires et l’emploi.

Mais c’est la part du revenu national ponctionnée sur les salaires qui a nourri les bulles financières. Et ce sont les contre-réformes néolibérales qui ont creusé les déficits, avant même l’éclatement de la crise.

L’équation est donc simple: on ne sortira pas de la crise par le haut sans une modification significative de la répartition des revenus. Cette question vient avant celle de la croissance. Certes, une croissance plus soutenue serait favorable à l’emploi et aux salaires (encore faut-il en discuter le contenu d’un point de vue écologique) mais, de toute manière, on ne peut pas tabler sur cette variable si, en même temps, la répartition des revenus devient de plus en plus inégalitaire.

Il faut donc prendre en tenailles les inégalités: d’un côté par l’augmentation de la masse salariale, de l’autre par la réforme fiscale. La remise à niveau de la part des salaires pourrait suivre une règle des trois tiers: un tiers pour les salaires directs, un tiers pour le salaire socialisé (la protection sociale) et un tiers pour la création d’emplois par réduction du temps de travail. Cette progression se ferait au détriment des dividendes, qui n’ont aucune justification économique, ni utilité sociale.

Il envisage ensuite la possibilité d’une sortie de l’euro :

Quel serait l’avantage d’une sortie de l’euro? L’argument principal est qu’il rendrait possible une dévaluation de la nouvelle monnaie qui rétablirait la compétitivité du pays concerné. Il redonnerait à la Banque centrale la possibilité d’émettre de la monnaie afin de financer autrement son déficit. Les plus optimistes y voient un moyen de réindustrialiser une économie, d’atteindre une croissance plus élevée et de créer des emplois.

Mais repousse cette éventualité pour la raison que c’est une mesure non-coopérative :

Une dévaluation rend les produits d’un pays plus compétitifs, en tout cas à l’égard des pays qui ne dévaluent pas. Il faudrait donc que la sortie de l’euro ne concerne qu’un petit nombre de pays. C’est donc une solution nationale non coopérative où un pays cherche à gagner des parts de marché sur ses partenaires commerciaux.

En outre ce serait une mesure potentiellement dangereuse :

Un gouvernement de transformation sociale commettrait d’ailleurs une terrible erreur stratégique en commençant par sortir de l’euro, puisqu’il s’exposerait ainsi à toutes les mesures de rétorsion.

Et enfin, cette éventualité ne serait pas une protection contre un plan d’austérité :

C’est le fond de la question. La mondialisation et l’intégration européenne néolibérales renforcent le rapport de forces en faveur du capital. Mais il n’est pas possible d’en faire la cause unique, comme si un meilleur partage des richesses pouvait s’établir spontanément, à l’intérieur de chaque pays, à la seule condition de prendre des mesures protectionnistes. Laisser croire que la sortie de l’euro pourrait en soi améliorer le rapport de forces en faveur des travailleurs est au fond l’erreur d’analyse fondamentale. Il suffit pourtant de considérer l’exemple britannique : la livre sterling ne fait pas partie de l’euro, mais cela ne met pas la population à l’abri d’un plan d’austérité parmi les plus brutaux en Europe.

Au final, Michel Husson prône plutôt une stratégie de refondation de l’Europe :

Le choix semble donc être entre une aventure hasardeuse et une harmonisation utopique. La question politique centrale est alors de sortir de ce dilemme. Pour essayer d’y répondre, il faut travailler la distinction entre les fins et les moyens. L’objectif d’une politique de transformation sociale, c’est, encore une fois, d’assurer à l’ensemble des citoyens une vie décente dans toutes ses dimensions (emploi, santé, retraite, logement, etc.). L’obstacle immédiat est la répartition des revenus qu’il faut modifier à la source (entre profits et salaires) et corriger au niveau fiscal. Il faut donc prendre un ensemble de mesures visant à dégonfler les revenus financiers et à réaliser une réforme fiscale radicale. Ces enjeux passent par la mise en cause des intérêts sociaux dominants, de leurs privilèges, et cet affrontement se déroule avant tout dans un cadre national. Mais les atouts des dominants et les mesures de rétorsion possibles dépassent ce cadre national : on invoque immédiatement la perte de compétitivité, les fuites de capitaux et la rupture avec les règles européennes.

La seule stratégie possible doit alors s’appuyer sur la légitimité des solutions progressistes, qui résulte de leur caractère éminemment coopératif. Toutes les recommandations néo-libérales renvoient en dernière instance à la recherche de la compétitivité: il faut baisser les salaires, réduire les « charges » pour, en fin de compte, gagner des parts de marché. Comme la croissance sera faible dans la période ouverte par la crise en Europe, le seul moyen pour un pays de créer des emplois, sera d’en prendre aux pays voisins, d’autant plus que la majorité du commerce extérieur des pays européens se fait à l’intérieur de l’Europe. C’est vrai même pour l’Allemagne (premier ou deuxième exportateur mondial avec la Chine), qui ne peut compter sur les seuls pays émergents pour tirer sa croissance et ses emplois. Les sorties de crise néo-libérales sont donc par nature non coopératives: on ne peut gagner que contre les autres, et c’est d’ailleurs le fondement de la crise de la construction européenne.

La grande qualité de cet article de Michel Husson est d’ouvrir le débat :

Le débat ne peut être enfermé dans une opposition entre anti-libéraux et anti-capitalistes. Cette distinction a évidemment un sens, selon que le projet est de débarrasser le capitalisme de la finance ou de nous débarrasser du capitalisme. Mais cette tension ne devrait pas empêcher de faire un long chemin ensemble, tout en menant ce débat. Le «programme commun» pourrait reposer ici sur la volonté d’imposer d’autres règles de fonctionnement au capitalisme. Et c’est bien la ligne de partage entre la gauche radicale de rupture et le social-libéralisme d’accompagnement. La tâche prioritaire aujourd’hui est en tout cas, pour la gauche radicale, de construire un horizon européen commun, qui serve de base à un véritable internationalisme.

Prenez quelques minutes pour lire dans son intégralité l’article intitulé euro : en sortir ou pas ?, un article à lire et à relire.

pour de nouvelles formes de débat démocratique

Pour de nouvelles formes de débat démocratique, l’association Virus 36 expérimente et transmet de nouvelles formes de débat démocratique.

Rares sont les réflexions sur les moyens d’aider les personnes timides à s’exprimer, sur les moyens de lutter contre le sexisme dans un débat, sur les manières d’améliorer le taux d’écoute. C’est d’ailleurs fou de constater combien les gens s’écoutent très peu dans les débats. En général, chacun-e est davantage préoccupé-e par préparer son intervention que vraiment écouter ce qui se dit autour. Au final, dans la plupart des discussions, plein de petits avis morcelés se juxtaposent, sans réellement construire une pensée collective. Chacun-e arrive avec une idée préétablie, puis repart avec. La discussion collective ne nous transforme pas, elle est vide.

Virus 36 propose une brochure de 16 pages comportant une interview de deux membres de l’association ainsi que la présentation de quelques techniques de débat développées ou utilisées par l’association Virus 36.