si, c'est vrai !

oubliez les douches courtes !

Derrick Jensen est un écrivain et activiste écologique américain. Dans un article court et percutant intitulé oubliez les douches courtes !, il dénonce le fait qu’on arrivera à combattre le changement climatique par des actions individuelles.

Que ce soient la consommation d’eau, la consommation d’énergie ou la production des déchets, les ménages ne représentent qu’une minorité de l’usage, et donc une fraction du potentiel de réduction de l’usage.

Les ménages représentent :

  • moins 10 % de la consommation d’eau des USA
  • moins de 25 % de la consommation d’énergie des USA
  • 3 % de la production des déchets des USA

Soyons clairs. Je ne dis pas que nous ne devrions pas vivre simplement. Je vis moi-même assez simplement, mais je ne prétends pas que ne pas acheter grand-chose (ou ne pas conduire beaucoup, ou ne pas avoir d’enfants) est un acte politique fort, ou profondément révolutionnaire. Ça ne l’est pas. Le changement personnel n’est pas égal au changement social.

Autrement dit, les actions individuelles, à l’échelle personnelle ou à l’échelle d’un ménage sont utiles, mais ne suffisent pas.

Il envisage 3 postures possibles :

  • participer à l’économie industrielle : au final, tout le monde est perdant
  • ne pas participer à l’économie industrielle, mais ne pas l’empêcher de fonctionner : au final tout le monde est perdant
  • agir délibérément pour stopper l’économie industrielle : très effrayant mais seule solution pour tenter de sauver la planète

La croyance dans la seconde posture - mener une vie simple, se retirer autant que possible de l’économie industrielle sans pour autant l’empêcher de fonctionne - engendre 4 autres problèmes :

  • la croyance que toute vie humaine ne peut que détériorer l’environnement, alors qu’il a également la capacité de le restaurer
  • la croyance que l’individu est responsable et donc coupable des crises environnementales qui adviennent
  • la croyance que les citoyens ne sont que des consommateurs et que leur seul moyen de résistance passe par la consommation (c’est ce qu’à inventé Edward Bernays avec sa démocratie capitaliste)
  • la croyance mortifère la seule manière de diminuer son impact écologique est d’être mort

En fait, si notre mode de vie actuel n’est pas tenable, il nous appartient de décider si on souhaite nous même inventer un nouveau mode de vie, ou si on souhaite de faire - par un gouvernement autoritaire, ou par le changement climatique - d’adopter un autre mode de vie que nous n’aurions pas choisi.

En tant que partisan du sabotage environnemental, Derrick Jensen nous invite à la résistance active :

Nous pouvons suivre l’exemple de ceux qui nous rappellent que le rôle d’un activiste n’est pas de naviguer dans les méandres des systèmes d’oppression avec autant d’intégrité que possible, mais bien d’affronter et de faire tomber ces systèmes.

Aurions-nous été résistants si nous avions été plongés en France au coeur de la seconde guerre mondiale ? Sommes-nous résistants aujourd’hui pour combattre l’économie industrielle et tenter d’éviter la catastrophe environnementale qui se profile ?

propagande et fabrique du consentement

Le chaîne de télévision Arte a diffusé un documentaire intitulé propaganda : la fabrique du consentement dont le sujet porte sur la propagande, son histoire et son évolution jusqu’à aujourd’hui.

Dans son livre intitulé the engineering of consent et publié en 1947, Edward Bernays expose sa théorie sur la gouvernance d’un peuple :

  • dans un régime autoritaire les messages de persuasion passent par la force
  • dans une démocratie ce sont les relations publiques (public relations, ou encore PR) qui jouent ce rôle

Selon Edward Bernays, les relations publiques permettent à une démocratie de ne pas sombrer dans l’autoritarisme. Son inspiration lui vient du français Gustave Le Bon, auteur de l’ouvrage psyhologie des foules (publié en 1895, ça ne date pas d’hier) et dont l’idée est que pour parler à une foule, il vaut mieux s’adresser aux émotions et aux instincts plutôt qu’à la rationalité.

La propagande a été utilisée aux USA en 1917, lors de la première guerre mondiale, pour convaincre les Américains du bien fondé de l’entrée en guerre des USA contre l’Allemagne alors que le président Woodrow Wilson avait toujours défendu la neutralité des USA vis-à-vis des belligérants.

L’état américain met alors en place la commission Creel. Elle est chargée faire changer d’avis le peuple américain en faisant usage de techniques de propagande. Elle atteindra ses objectifs en moins d’un an, retournant ainsi l’opinion publique américaine et permettant au président Woodrow Wilson d’apparaître comme un président à l’écoute de son peuple plutôt que comme un politicien opportuniste et girouette ayant renié ses engagements de campagne.

En réalité, le véritable raison de l’adhésion américaine à la guerre est l’ouverture de perspectives vers le capitalisme. En outre, la propagande permet de lutter contre la contestation ouvrière du capitalisme. L’entrée en guerre des USA marque le début d’un véritable bras de fer enter les masses et les oligarques.

Cependant, le terme de propagande devient connoté négativement et péjoratif. Edward Bernays s’en détourne et il lui préfère le terme neuf de relations publiques, plus consensuel. Si la forme évolue, le fond demeure et les relations publiques restent un outil de contrôle des foules, de contrôle des masses, tout comme la publicité.

Il crée son agence de conseil en relations publiques et façonne alors l’american way of life : le bacon au petit déjeuner, incitation à la consommation de cigarettes, la cigarettes comme attribut d’affirmation d’indépendance féministe.

Mais la crise de 1929, est une crise du capitalisme, une crise des entreprises. Edward Bernays lance alors la parade du progrès de General Motors, dans le but de sauver la démocratie en faisant apparaître la démocratie capitaliste comme la seule démocratie possible. Il est donc l’artisan de la fusion de la démocratie avec le capitalisme.

La propagande, la publicité, les relations publiques, autant de termes pour une seule réalité : la manipulation des foules.

les élites néolibérales ne veulent plus transiger avec le corps social

Dans un article intitulé les élites néolibérales ne veulent plus transiger avec le corps social, Romaric Godin défini avec précision le néolibéralisme et ce qui le différencie des autres courant du libéralisme (tels que l’ultra-libéralisme, le libertarisme, le libéralisme manchesterien).

[…] la caractéristique du néolibéralisme, c’est qu’on a, au niveau mondial, un mode de gestion du capitalisme qui s’appuie sur un État au service du capital contre le travail. On peut ainsi définir le néolibéralisme […] comme un mode de gestion du capitalisme […] qui relie l’ensemble des capitalismes nationaux entre eux dans un même ensemble. […] maintenant on est passés au paradigme néolibéral qui lui-même, depuis 2008, est entré dans une phase de crise.

Cela correspond aux idées de l’ordolibéralisme allemand : l’état fixe des règles de fonctionnement du marché. Le pouvoir n’est alors plus au législatif, mais à l’exécutif.

En tout cas, on n’est pas dans la destruction complète de l’État. On est plutôt dans une réorganisation des moyens de l’État au profit du capital et au détriment du monde du travail.

En terme de dépense publique, ce n’est pas tant la quantité que la qualité qui compte. Il ne suffit pas de regarder les variations de la dépense publique, mais il faut surtout regarder à quoi elle est utilisée.

[…] la dépense publique reste importante, elle n’est simplement pas employée de la même façon, c’est-à-dire qu’elle est moins dépensée dans la sphère sociale et beaucoup plus dans la sphère dite régalienne. C’est d’ailleurs ce que défend le gouvernement français avec le budget 2020 puisqu’il demande et je le cite, le « réarmement de l’État régalien » par une augmentation du budget de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice. L’augmentation du budget de la Justice, ce n’est pas pour les tribunaux, elle est au contraire concentrée sur la création de postes de gardiens de prisons. C’est une vision de l’État qui est punitive et vraiment régalienne au sens traditionnel du terme.

Le néolibéralisme fait sa grande entrée en France à l’occasion du revirement socialiste, peu après la première élection de François Mitterrand.

En 1983 tout ceci est abandonné et les élites de gauche deviennent néolibérales comme les élites de droite l’étaient depuis les années 1950. Il y a une unité des élites, et là se met en place ce que j’appelle une guerre sociale, entre des élites qui cherchent à imposer le plus de réformes néolibérales possible et un corps social qui lui résiste parce qu’il reste attaché à cet équilibre entre le capital et le travail.

Depuis lors, le corps social est sur la défensive et ne cesse de subir des reculs. Et depuis 2007, les présidents néolibéraux se succèdent, jusqu’au président actuel, qui arrive à constituer une base lui permettant de réformer sans contre-pouvoir.

À la différence des autres, il va constituer une base sociale qui est acquise à cette idée, constituée en fait de ceux que l’on appelle les « gagnants de la mondialisation », ou ceux qui croient l’être, ou ceux qui ont un intérêt à ce que la politique soit du côté du capital plutôt que du travail, ou qui s’identifient à cette politique pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Ça représente à peu près un cinquième de l’électorat français, qui sait exactement ce qu’il veut : en bref, il veut les conclusions de la commission Attali.

Les réformes se suivent et se ressemblent : elles constituent toutes des régressions pour le corps social (réforme du code du travail, réforme de l’assurance chômage, réforme des retraites, maintient du déficit de la sécurité sociale, gel des APL…).

La seule fonction de cette réforme [des retraites], c’est de développer l’assurance retraite privée.

L’indicateur le plus inquiétant est l’indice de Gini, l’indicateur des inégalités.

[…] la réalité c’est que l’indice de Gini a augmenté comme jamais en France […]

La France est en train d’évoluer vers une “démocratie autoritaire”.

[…] une démocratie qui fonctionne a minima [et] en parallèle vous avez une répression policière, une répression d’État extrêmement forte pour dissuader le corps social de réagir aux réformes néolibérales.

Le néolibéralisme est en bout de course car il est incapable de répondre aux défis qui lui sont lancés aujourd’hui.

Quels sont les grands défis aujourd’hui ? La transition écologique, les inégalités et dans certains cas le rejet du consumérisme. Le néolibéralisme est incapable de répondre à ces défis-là. Il est même incapable de répondre au défi de la croissance économique puisqu’elle ne cesse de ralentir, que la croissance de la productivité ralentit elle aussi et que pour créer du profit il est en permanence obligé de comprimer le coût du travail. Va s’engager une fuite en avant du néolibéralisme qui va créer toujours plus d’inégalités et toujours plus de dégradations écologiques…

Nous allons donc au devant de toujours plus de contestation (du peuple) et de répression (de l’état).

Les gilets jaunes sont la première grande crise du néolibéralisme.

L’auteur imagine donc 3 issues possible à cette impasse.

À cela, vous avez trois réponses. La première réponse c’est de continuer comme avant, on ne s’occupe de rien et on va au désastre, vers une crise climatique et sociale aiguë et vers la confrontation. La deuxième réponse, c’est que face à ces désordres provoqués par la crise du néolibéralisme, celui-ci s’allie pour survivre avec des tendances fascistes ou autoritaires. […] On ne peut pas exclure de voir advenir, à droite de Macron, cette fusion entre les néolibéraux et les néofascistes. Face à la crise, le corps social réclamera de l’ordre et on entrera dans un régime autoritaire qui, économiquement, sera le sauvetage de l’ordre existant. Puis le troisième scénario, qui est plus hypothétique, c’est que l’on arrive à proposer autre chose, à sortir de ce cadre néolibéral.

Si le constat semble limpide, difficile alors de rester optimiste face à l’avenir de la France et de ce qu’il reste de sa démocratie.

les médias ne reflètent pas la réalité

Des chercheurs de l’université d’Oxford se regroupent au sein du collectif our world in data pour interpréter les chiffres avec une logique opensource et opendata : tous leurs chiffres sont librement consultables et tous leur rapports sont librement ré-utilisables.

Dans un article intitulé does the news reflect what we die from?, ces chercheurs se penchent sur un sujet qui s’apparente à une évaluation critique des choix éditoriaux des médias : est-ce que l’actualité reflète les causes de décès ?

Pour mener à bien leur évaluation, ils ont utilisé les données suivantes :

  • les statistiques des causes de décès du Centers for Disease Control and Prevention aux USA
  • les médias au sens large avec :
    • les tendances de Google Trends
    • les mentions de causes de décès dans le journal New York Times
    • les mentions de causes de décès dans le journal The Guardian

Pour plus de clareté, ils n’ont étudié que les 10 causes majeures de décès, en comparant leur exposition médiatique à leur prévalence réelle.

Il en ressort que certains facteurs de mortalité sont énormément sur-représentés dans les médias par rapport à la mortalité réelle. Sans surprise, ces facteurs sont ceux qui font peur, qui font vendre :

  • le terrorisme (d’un facteur 3906)
  • les homicides (d’un facteur 31)
  • les suicides (d’un facteur 7)

Inversement, d’autres facteurs de mortalité sont énormément sous-représentés dans les médias par rapport à la mortalité réelle. Sans surprise, ces facteurs sont ceux qui touchent à la maladie ou à la drogue :

  • maladies des reins (d’un facteur 11)
  • maladies du coeur (d’un facteur 10)
  • overdose (d’un facteur 7)

sur-représentation et sous-représentation dans les médias des facteurs de mortalité par rapport à la mortalité réelle

Les médias favorisent les histoires qui font vendre, celles qui sont faciles à raconter aux dépens d’un véritable travail de prévention sur les maladies et les addictions.

l'union européenne est un cartel

Dans une longue interview de 2 heures par Thinkerview, Yanis Varoufakis discute de l’Europe, du fachisme, du président américain, du président français, du brexit, des relations entre Syriza et l’union européenne (et du torpillage par Berlin du projet d’accord entre la Grèce et la Chine sur le port du Pirée).

Il considère que l’union européenne est un cartel qui agit pour le compte du grand business européen.

The first name of the european union was European Community of Coal and Steel. That’s a cartel. The european union was a cartel for coal and steel.

And after that, they brought in the car makers. After that, they got in the french farmers. It was a cartel that was expanding and which needed free trade and a common currency to function.

I’m not criticizing it, maybe it was a good idea. Maybe it was the only way to stop war.

But let’s be honest with each other: we did not create a european union of european peoples. We create a european union of car makers, steel producers, large scale farming, banking. And then we created a european parliament that is the only parliament in the history of the world that have not the right to legislate.

D’après Yanis Varoufakis, le manque de démocratie au sein de l’union européenne n’est pas surprenant, il est inscrit dans les gènes de celle-ci. Il a justement fondé un parti européen dont le projet est de réformer les institutions européennes pour y insuffler de la transparence et de la démocratie.

suiveur, marginal et leader

Dans une très courte vidéo intitulé comment démarrer un mouvement, Derek Sivers redore le blason des suiveurs, mal-aimés en France.

Autant les anglo-saxons ont des followers sur internet, autant les francophones ont des abonnés, pas des suiveurs. Etre suiveur est connoté de suivisme, d’être passif, voir grégaire. Derek Sivers souhaite contrecarrer cette connotation négative et donner une image positive du suiveur, et en particulier des premiers suiveurs.

Il prend l’exemple d’une petite vidéo où l’on voit d’une personne qui danse seule au milieu d’autres personnes assises. Le danseur est un marginal, il est seul. Petit à petit, un puis deux puis trois suiveurs le rejoignent et se mettent à danser également. Ces premiers suiveurs là prennent des risques, ils s’exposent. Ils sont petit à petit rejoints par des dizaines d’autres personnes et c’est toute cette foule qui danse maintenant. Mais plus il y a de monde qui danse, moins les suiveurs qui se sont mis à danser à ce moment-là ont pris un risque en se joignant à la foule. Et c’est maintenant ceux qui ne dansent pas encore qui prennent le risque de s’exposer à la marginalité, ces derniers suiveurs rejoignent alors la foule, plus ou moins contraints par la norme sociale.

Voilà comment se crée un mouvement !

A travers cette démonstration, Derek Sivers veut mettre en valeur une figure en particulier : le premier suiveur, celui qui a pris parti dès le début. “Le premier suiveur est ce qui transforme un marginal en un leader”. Le leader sera félicité pour son audace, mais ce sont les premiers à avoir rejoint la danse qui ont renforcé et légitimisé son action. “Si vous souhaitez réellement lancer un mouvement, ayez le courage de suivre.”

Il importe de reconnaître l’audace et l’importance du rôle joué par les premiers suiveurs, car ce sont eux qui transforment un marginal en un leader.

pic pétrolier probable d'ici 2025

Dans un article intitulé pic pétrolier probable d’ici 2025, selon l’Agence internationale de l’énergie, l’auteur expose un état des lieux de la production de pétrle (conventionnel ou non) dans le monde.

La production mondiale de pétrole conventionnel (près des 3/4 de la production totale de pétrole) a franchi un pic en 2008 à 69 millions de barils par jour (Mb/j), et a décliné depuis d’un peu plus de 2,5 Mb/j. L’AIE estime que ce déclin ne sera pas interrompu (cf. World Energy Outlook 2018, p. 142).

Si le pétrole de schiste a compensé pour un temps la baisse de production de pétrole conventionnel, il ne constitue pas pour autant une alternative durable.

Le profil de production des puits de pétrole de schiste se caractérise par un déclin rapide du flot de brut : après 1 ou 2 ans, la production ne constitue plus qu’une faible fraction de la production initiale. Par conséquent, les producteurs de pétrole de schiste (le shale oil en anglais) doivent en permanence forer de nouveaux puits pour maintenir leurs extractions. Cet effort constant d’investissement reste le plus souvent nettement supérieur au cash que génère la vente de brut.

Nous avons vécu quelques décennies d’une abondance énergétique sans précédent dans l’ère de l’humanité.

La démocratie moderne a germé dans un bain d’abondance énergétique. Il me semble raisonnable de craindre que l’hiver de cette ère soit tout proche. Je propose une fois encore que nous examinions le danger sérieusement.

Si les régimes politiques démocratique sont le résultat d’une abondance énergétique, il est à craindre qu’ils ne survivent pas à la fin de cette abondance énergétique.

quelles perspectives pour l'humanité ?

Dans une conférence donnée au Collège de France en 2017 et portant sur l’habitat du futur, Jean-Marc Jancovici a commencé sa conférence en rappelant quelques informations générales et non spécifiques à l’habitat.

(à 8 minute) Le premier rappel concerne la quantité de gaz à effet de serre (GES) déjà émise et la hausse de températures déjà assurée d’ici 2100.

La quantité de GES émise entre 1850 et 2015 nous assure une hausse de température de plus de 1 degré en 2100, toute autre promesse est un mensonge (exemple : l’accord de Paris qui a fait suite à la COP21).

Le second rappel concerne la marge qu’il nous reste si l’on souhaite rester en dessous des 2 degrés d’augmentation de température.

Rester en dessous de 2 degré, c’est encore possible et cela signifie que nos enfants et petits-enfants (les 2 prochaines générations) ont le droit d’émettre la moitié de ce que nous et nos parents avons déjà émis (les 2 générations précédentes) en terme de GES. Comme ces 2 prochaines générations comportent 3 fois plus d’être humains, chacune de ces 2 futures générations ne doit émettre que le sixième de ce que nous avons déjà émis (les 2 générations précédentes).

Dans la société telle que nous la connaissons depuis la révolution industrielle, 6 fois moins d’émissions de GES signifie 6 fois moins de PIB. Cela constituerait une importante récession. Et comme aucun responsable politique n’envisage d’être élu en promettant une récession, on comprend mieux l’inaction constatée des responsables politiques et leurs fausses promesses.

Si l’on remonte plus loin dans le temps, on constate qu’il y a toujours eu des variation de température et de climat. Mais ces variations étaient 50 fois moins rapides que le changement climatique actuel.

De -20000 à nos jours, la vitesse du réchauffement climatique était d’environ 0,1 degré par siècle. Et l’écosystème d’il y a 20000 ans était totalement différent de l’écosystème d’aujourd’hui, il n’aurait certainement pas pu accueillir plus de quelques centaines de milliers d’êtres humains. Le réchauffement climatique actuel évolue à une vitesse d’environ 0,05 degrés par année, soit 50 fois plus rapidement que depuis 20000 ans.

Par conséquent, le réchauffement climatique actuel nous promet des changements sociétaux importants :

  • l’effondrement des systèmes organisés (les pays ou les unions de pays) et un basculement des régimes politiques vers l’autoritarisme
  • espérance de vie en forte diminution

(à 20 minutes) L’hypothèse d’un réchauffement climatique en dessous de 2 degrés est encore tenable, mais elle impose d’agir d’ici 2050, c’est à dire d’ici à ce que les enfants d’aujourd’hui soient adultes. Limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés implique une division des GES planétaires par 3.

Jusqu’à présent, on est loin de pouvoir envisager atteindre cet objectif : les objectifs de l’accord de Paris signés en 2015 ne sont déjà pas tenus. En effet, les émissions de GES sont en augmentation depuis 2015.

Par conséquent, plus on tarde à mettre en place des actions concrètes, plus il faudra que ces actions soient de grande ampleur. Autrement dit, pour diviser par 3 nos émissions de GES d’ici 2050, il faudra que la baisse soit beaucoup plus rapide si elle commence en 2030 (20 ans de délai) que si elle commence en 2020 (30 ans de délai).

Diviser les émissions de GES par 3 en 30 ans implique de diminuer nos émissions de GES de 5 % par an. Pour bien prendre conscience de ce qu’implique une diminution de 5 % par an, il importe de prendre conscience que - depuis le début du vingtième siècle - il n’y a que 2 années où les émissions de GES ont été en baisse de 5 % :

  • la crise de 1929
  • l’anéantissement du Japon et de l’Allemagne à la fin de la seconde guerre mondiale

La réduction de nos émissions de GES implique une diminution du PIB, et donc une contraction du pouvoir d’achat. C’est un passage obligatoire.

Quelles que soient nos décisions et nos actions, le système-monde se régulera de lui-même, d’une manière ou d’une autre. Il se régulera soit avec nous, si l’on met en place les actions de réducion de émissions de GES, soit sans nous, c’est à dire par une sélection de facteurs à choisir parmi les 3 principaux facteurs de régulation sociale : l’oppression politique, la famine et la maladie (la guerre étant une forme particulière d’oppression politique).

les gilets jaunes et la question démocratique

Dans un article intitulé les gilets jaunes et la question démocratique, l’auteur explique comment le mouvement des gilets jaunes remet en cause les fondements même du régime représentatif français. Samuel Hayat est l’auteur d’une thèse intitulée au nom du peuple français, la représentation politique en question autour de la révolution de 1848 en France.

Selon son analyse, une revendication des gilets jaunes serait de décider eux-mêmes, sans avoir à élire un représentant ou un porte-parole.

Aujourd’hui, c’est cette vieille question de la démocratie qui revient : pourquoi, au fond, faudrait-il que ce soit toujours les mêmes qui décident, ces professionnels de la politique, au langage en bois, aux jeux obscurs et au mépris du peuple affiché ? Pourquoi donc le peuple ne pourrait-il pas faire ses affaires lui-même, de temps à autre, au moins pour les choses importantes ?

Même si le mouvement des gilets jaunes est récent, l’aspiration à l’autodétermination n’est pas nouvelle.

Il ne s’agit pas là d’une simple inconstance des médias et des politicien.ne.s. Si le RIC s’est imposé si aisément et si le conflit autour de lui a pris des proportions si grandes, c’est que cette polémique touche à quelque chose de fondamental. Elle est révélatrice d’un affrontement, présent de manière plus ou moins ouverte depuis le début du mouvement, mais qui a ses racines dans une histoire bien plus longue, entre deux conceptions de la politique.

Les deux conceptions de la politique sont la politique partisane :

[…] la politique partisane, est centrée sur la compétition électorale entre professionnel.le.s du champ politique pour accéder au pouvoir. Elle fonctionne par la production de visions du monde antagonistes (des idéologies), objectivées dans des programmes entre lesquels les citoyens sont sommé.e.s de choisir, sous peine de se condamner à l’invisibilité politique.

et la politique citoyenniste :

Mais le mouvement des Gilets jaunes, en particulier depuis que le RIC est devenu son cheval de bataille, a mis sur le devant de la scène une autre conception de la politique, que l’on peut qualifier de citoyenniste. Elle repose sur la revendication d’une déprofessionnalisation de la politique, au profit d’une participation directe des citoyens, visant à faire régner l’opinion authentique du peuple, sans médiation.

Cette politique citoyenniste est centrée sur les citoyens et sur les idées plutôt que sur les partis.

La conception citoyenniste de la politique, par son refus principiel des schémas de la politique partisane, n’est pas seulement ouverte à la « récupération », terme clé de la politique des partis : elle cherche à être reprise, diffusée, réappropriée, par qui que ce soit. En cela, elle est bien plus ouverte que la politique partisane, elle n’a pas de coût d’entrée, pas de langage spécifique à manier, pas de jeu à saisir – elle est, disons le mot, éminemment démocratique.

Alors que la république française a opté pour un régime aristocratique ou oligarchique, c’est le rêve d’une démocratie réelle qui anime les gilets jaunes.

C’est cette question que le pouvoir n’arrive même pas à entendre : le mouvement des Gilets jaunes puise sa force dans la revendication démocratique. Alors que la politique professionnelle s’appuie sur la monopolisation du pouvoir par un petit groupe, une oligarchie, la politique citoyenniste entend, par le référendum, donner le pouvoir à n’importe qui, c’est-à-dire à tout le monde à égalité. C’est le sens qu’avaient les termes démocratie et aristocratie en Grèce antique, et qu’ils ont gardé jusqu’au XVIIIe siècle : la démocratie, c’est le règne du peuple agissant directement, ou bien par des citoyens tirés au sort ; l’élection, quant à elle, est la procédure aristocratique par excellence, elle donne le pouvoir à une élite. Or le triomphe du gouvernement représentatif et de ses institutions, en premier lieu l’élection, s’est fait sur le refoulement de cette possibilité politique, sur l’oubli de ce que la démocratie pouvait vouloir dire, oubli renforcé par la récupération, pour qualifier le gouvernement représentatif, du vocabulaire de la démocratie. La politique démocratique s’est trouvée ainsi escamotée au profit d’une forme aristocratique de gouvernement, rebaptisée progressivement « démocratie représentative ». C’est pour cela qu’en temps normal, cette conception citoyenniste de la politique, refoulée, est peu audible – mais elle n’a jamais entièrement disparu. L’aspiration démocratique refait régulièrement surface, en 1848, en 1871, en 1936, en 1968, en 2018, chaque fois qu’a lieu un mouvement de contestation générale des gouvernants et de leur jeu, au nom du peuple. Et chaque fois, les cadres d’analyse manquent aux professionnel.le.s pour comprendre ce qui a lieu, eux qui vivent par et pour le refoulement de ces aspirations démocratiques. Le mouvement des Gilets jaunes donne donc à voir une possibilité claire : déprofessionnaliser la politique, aller vers un règne des citoyen.ne.s, au nom de l’idéal qui forme désormais le sens commun du plus grand nombre, la démocratie.

Face à ce mouvement citoyenniste, qui ira défendre la vieille politique, celle des partis et des élu.e.s ? A part ceux qui sont payés pour, gageons qu’il y aura peu de monde. C’est que la politique partisane se trouve déjà fortement affaiblie, et ce de longue date. D’abord, le conflit partisan s’est émoussé : vu du dehors du monde des professionnel.le.s, il n’y a plus, depuis longtemps, de différence significative entre la droite et la gauche, qu’il s’agisse de l’origine sociale des candidat.e.s ou de la nature des politiques menées. Partout, avec quelques nuances indéchiffrables pour le plus grand nombre, on trouve la même marchandisation des services publics, les mêmes manœuvres de séduction adressées aux capitalistes pour attirer leurs précieux investissements, le même zèle à limiter les libertés publiques, surarmer les forces de l’ordre, enfermer les pauvres et expulser les étranger.e.s.

La politique partisane s’est sabordée elle-même en brouillant les frontière entre les partis, entre la droite et la gauche. L’absence d’alternative au néolibéralisme constitue une impasse qui démontre l’inutilité de cette politique.

Les tenants mêmes du pouvoir, les professionnel.le.s de la politique, semblent ne plus croire aux possibilités de l’action politique, et répètent avec diverses modulations qu’il n’y a pas d’alternative au néolibéralisme. Pourquoi alors défendre leur jeu, si de leur propre aveu, il n’a plus d’enjeu ?

Et cette absence d’alternative au néolibéralisme vise à instituer une forme d’ordolibéralisme où le champ des possibles d’un gouvernement est restreint par des lois que l’état s’impose à lui-même.

[…] la politique citoyenniste puise sa force dans le mécontentement justifié vis-à-vis de la politique partisane et dans une longue histoire de l’aspiration démocratique, mais aussi dans la montée en puissance des cadres de pensée du gouvernement des expert.e.s, de tous ceux qui veulent remplacer la politique (politics) par une série de mesures techniques (policies), néolibéraux en tête.

Selon l’auteur, la démocratie c’est le dissensus. La troisième voie qu’il propose entre la politique partisane et la politique citoyenniste consiste à déprofessionnaliser la politique, démocratiser le dissensus et à faire entrer les masses en politique.

Face à cette opposition entre une conception partisane professionnalisée et une conception citoyenniste consensuelle de la politique, une autre voie existe, même si les moyens de l’arpenter restent incertains. Il s’agit de chercher à déprofessionnaliser la politique sans en éliminer le caractère conflictuel, c’est-à-dire de démocratiser le dissensus. C’est ce qu’ont essayé de faire, en 1848, les défenseurs de la République démocratique et sociale : faire entrer les masses en politique, non pour les faire voter sur telle ou telle mesure, mais pour réaliser une politique de classe, le socialisme, dans l’intérêt des prolétaires et contre la bourgeoisie. Il s’agissait alors de donner une visibilité aux clivages sociaux, et non de les dissimuler derrière tel dispositif participatif, aussi démocratique fût-il.

Peut-être pourrait on s’inspirer du projet des défenseurs de la république démocratique et sociale de 1848 ?

la décroissance vise le travailler moins pour travailler mieux

Dans un article initulé la décroissance vise le travailler moins pour travailler mieux, Serge Latouche dresse un portrait noir de notre société et de son avenir.

Il explique que l’être humain ne souhaite pas modifier son mode de vie. Et les structures au pouvoir n’ont aucun intérêt à faire changer cela.

Nous sommes des toxicodépendants de la société de consommation. Comme tout drogué, nous préférons continuer à nous approvisionner, accumuler toujours plus, plutôt que d’entamer le sevrage. Nous savons tous que nous allons dans le mur, mais nous préférons ne pas y croire, car cela exige une rupture radicale. Un changement de civilisation.

L’homme est un animal routinier, pour qui tout changement est angoissant et douloureux. Surtout lorsque l’appareil économico-politique dominant entretient le système. Il est inutile de compter sur les dirigeants politiques pour initier le mouvement, car le vrai pouvoir est trop souvent aux mains du marché. Or, celui-ci n’a aucun intérêt à transformer un système qui lui profite.

Le problème n’est pas conjoncturel, mais structurel. C’est donc la structure elle-même qui est à changer.

Il faudrait ensuite engager des changements structurels. Et ce, en abordant le problème de façon systémique, plutôt que le découper en tranches, en traitant ses aspects un par un – le glyphosate, l’obsolescence programmée, etc. –, ce qui n’est pas efficace. En tout cas, la transition douce, je n’y crois plus.

Désormais, seul un choc peut nous permettre de nous ressaisir. Je crois beaucoup à la pédagogie des catastrophes – dans ces conditions, le virage peut être très rapide. L’histoire n’est pas linéaire. Regardez, en mai 1968, la France s’ennuyait, comme l’écrivait Le Monde, quelques jours avant le début des événements. Et puis éclata une révolte contre l’absurdité. A l’époque, on ne savait plus pourquoi on vivait… Le lien avec aujourd’hui est manifeste : le manque de sens caractérisant le marché de l’emploi et les métiers inutiles, l’absurdité d’accumuler toujours plus et de concourir à la destruction de la planète.

La démographie est une variable essentielle mais il n’est pas nécessaire de tenter de la réguler car elle devrait se réguler naturellement.

En outre, puisqu’une croissance infinie de la population est incompatible avec les limites de la planète, la question démographique va, je pense, se réguler naturellement. Il est donc inutile, dès lors, de mettre en place une politique restrictive de natalité.

L’auteur appelle à sortir du capitalisme pour retrouver du sens.

Cela implique-t-il de remettre en cause le capitalisme ?

Oui, dès lors que celui-ci se fonde sur la recherche de la croissance pour la croissance, l’accumulation sans limite du capital. La décroissance appelle à sortir de la production infinie pour retrouver le sens de la mesure.

Fondée sur une critique de la société de consommation et du libéralisme, elle est par essence de gauche et d’inspiration socialiste, mais en y ajoutant la dimension écologique. Cela signifie que tout est à repenser : l’appareil de production, la protection sociale, la solidarité entre les générations, l’emploi. La décroissance vise le travailler moins pour travailler mieux, avec, pour commencer, la réduction des heures de travail.

Si la transition douce n’est plus envisageable, nous allons donc un jour être confronté à une limite dure qui constituera un choc pour notre société.

Le pouvoir est une illusion, il a la puissance que l’on veut bien lui prêter. Le roi est nu, mais nous l’ignorons. Les milliards et les marchés nous oppriment car nous sommes dans la servitude volontaire, telle que La Boétie l’avait dépeinte. Seule une crise ou un choc peut permettre de s’en libérer.

Si l’on en croit Serge Latouche, en l’absence de transition douce, le choc est inévitable. Il importe donc de se préparer à se choc pour qu’il soit le moins négatif possible.