si, c'est vrai !

le scénario de l'effondrement l'emporte

Dennis Meadows est l’un des auteurs du rapport Meadows commandé par le club de Rome. A l’occasion de la parution en français de la troisième édition du rapport, Dennis Meadows a accordé plusieurs interviews. Il affirme au cours de l’une d’elle que le scénario de l’effondrement l’emporte.

Il n’accorde aucun crédit à la notion d’économie verte qui est une expression vide de sens.

Il ne faut pas se leurrer : quand quelqu’un se préoccupe d’économie verte, il est plutôt intéressé par l’économie et moins par le vert. Tout comme les termes soutenabilité et développement durable, le terme d’économie verte n’a pas vraiment de sens. Je suis sûr que la plupart de ceux qui utilisent cette expression sont très peu concernés par les problèmes globaux. La plupart du temps, l’expression est utilisée pour justifier une action qui aurait de toute façon été mise en place, quelles que soient les raisons.

Il aborde ensuite une notion essentielle : la démographie.

La première chose à dire, c’est que les problèmes écologiques ne proviennent pas des humains en tant que tels, mais de leurs modes de vie. On me demande souvent : ne pensez-vous pas que les choses ont changé depuis quarante ans, que l’on comprend mieux les problèmes ? Je réponds que le jour où l’on discutera sérieusement de la démographie, alors là, il y aura eu du changement.

Finalement, il ne prédit ni plus ni moins que la fin de notre civilisation du fait de son caractère non durable.

Je vais vous expliquer ma philosophie : je n’ai pas d’enfants, j’ai 70 ans, j’ai eu une super vie, j’espère en profiter encore dix ans. Les civilisations naissent, puis elles s’effondrent, c’est ainsi. Cette civilisation matérielle va disparaître, mais notre espèce survivra, dans d’autres conditions. Moi, je transmets ce que je sais, si les gens veulent changer c’est bien, s’ils ne veulent pas, je m’en fiche. J’analyse des systèmes, donc je pense le long terme. Il y a deux façons d’être heureux : avoir plus ou vouloir moins. Comme je trouve qu’il est indécent d’avoir plus, je choisis de vouloir moins.

Le problème principal de notre civilisation, c’est qu’elle ne sait perdurer que dans la croissance perpétuelle, elle ne sait pas faire autrement et n’est donc pas adaptée à un monde aux ressources finies.

C’est fini, la croissance économique va fatalement s’arrêter, elle s’est déjà arrêtée d’ailleurs. Tant que nous poursuivons un objectif de croissance économique «perpétuelle», nous pouvons être aussi optimistes que nous le voulons sur le stock initial de ressources et la vitesse du progrès technique, le système finira par s’effondrer sur lui-même au cours du XXIe siècle. Par effondrement, il faut entendre une chute combinée et rapide de la population, des ressources, et de la production alimentaire et industrielle par tête. Nous sommes dans une période de stagnation et nous ne reviendrons jamais aux heures de gloire de la croissance.

Nous fêtons cette année les 40 ans du rapport Meadows. Nous n’avons pas su tirer parti de ces 4 décennies pour amorcer un changement significatif de notre civilisation vers la durabilité. Cet aveuglement s’explique simplement par l’adage suivant : “je crois ce que je vois, je vois ce que je regarde, je regarde ce que je veux”.

définition du marketing

Dans un billet récent du monolecte, on trouve une définition intéressante du marketing :

Le marketing : créer un consensus sur la valeur des choses, et perdre de vue leur coût véritable.

Voilà qui n’est pas si loin d’une autre définition, celle de la publicité comme outil de manipulation :

La publicité est l’art de faire acheter des choses inutiles.

Des définitions qui donnent à l’émancipation une place centrale dans l’éducation des citoyens et des futurs citoyens.

tirage au sort et démocratie délibérative

Yves Sintomer s’intéresse au retour du tirage au sort dans les régimes politiques contemporains.

La polarisation d’un régime démocratique sur l’élection est une exception historique qui mène à l’aristocratie, préférée à l’époque à l’arbitraire du tirage au sort.

L’expérimentation républicaine et démocratique a rarement joué sur une seule procédure, et la polarisation moderne sur l’élection est plutôt une exception historique. La question de savoir pourquoi le tirage au sort a disparu de la scène politique avec les révolutions modernes a pour la première fois été posée par Bernard Manin. Sa réponse s’appuyait sur deux éléments : d’une part, les pères fondateurs des républiques modernes voulaient une aristocratie élective, et il était donc logique qu’ils rejettent le tirage au sort, associé depuis Platon et Aristote à la démocratie. D’autre part, la théorie du consentement, fortement enracinée dans les théories du droit naturel, s’était diffusée à tel point qu’il semblait difficile de légitimer une autorité politique qui ne soit pas formellement approuvée par les citoyens.

Mais certaines contraintes techniques (comme le nombre important de citoyens) peuvent aussi expliquer cette préférence pour l’élection, aux dépens du tirage au sort.

L’impossibilité de recourir au concept statistique d’échantillon représentatif, alors même que le calcul des probabilités était déjà très développé au moment des révolutions française et américaine, constitue un élément déterminant pour comprendre pourquoi le tirage au sort politique semblait condamné dans les démocraties modernes : leur taille, rappelaient à l’envie la presque totalité des auteurs de l’époque, rendait désormais impossible un autogouvernement similaire à celui des démocraties antiques. Dans ce monde conceptuel, tirer au sort signifiait donner arbitrairement le pouvoir à certains. En l’absence de la notion d’échantillon représentatif, les tenants d’une représentation descriptive étaient du coup condamnés à choisir d’autres outils pour faire progresser leurs idéaux.

Mais la pratique de l’échantillon représentatif (comme par exemple pour les sondages d’opinion) remet au goût du jour le tirage au sort.

Des mini-publics délibératifs

Inversement, la signification actuelle du retour du tirage au sort dans de multiples expériences s’explique largement par la diffusion de la notion d’échantillon représentatif, qui avait au préalable gagné une certaine légitimité politique à travers les sondages d’opinion. Les expériences contemporaines se singularisent en ce qu’elles pensent le tirage au sort comme moyen de sélectionner un échantillon représentatif (ou au moins diversifié) de la population, une sorte de microcosme de la cité, un mini-public qui peut opiner, évaluer, juger et éventuellement décider au nom de la collectivité, là où tous ne peuvent prendre part à la délibération et où l’hétérogénéité sociale interdit de croire que tous les individus sont interchangeables.

Le mini-public délibératif ne peut être assimilé au tirage au sort pratiqué à Athène à l’époque de la Grèce antique.

Certains des idéaux classiques tels que l’égalité de tous les citoyens devant la sélection aléatoire ou l’idée que chacun peut apporter une contribution utile à la solution des problèmes collectifs retrouvent une seconde jeunesse avec les expérimentations actuelles. Cependant, dans des cités telles l’Athènes antique et la Florence médiévale ou renaissante, chacun de ceux qui appartenaient au groupe dans lequel on tirait au sort était tour à tour gouvernant et gouverné. Sous cette forme, rotation rapide des charges publiques et sélection aléatoire permettaient un autogouvernement difficilement concevable à l’échelle nationale dans les démocraties modernes. La démocratie délibérative repose sur une autre logique. Elle est fondée sur des mini-publics qui rendent possible la constitution d’une opinion publique contrefactuelle, qui se différencie des représentants élus mais aussi de l’opinion publique du grand nombre. John Adams pouvait réclamer que les représentants « pensent, ressentent, raisonnent et agissent » comme le peuple. Pour les théoriciens de la démocratie délibérative, la similarité statistique entre les représentants « descriptifs » et le peuple n’est qu’un point de départ. Le mini-public, une fois qu’il a délibéré, est censé pouvoir avoir changé d’opinion – un tel changement est même le signe attendu d’une délibération de qualité. Cela est clairement perceptible lorsque James Fishkin présente la logique du sondage délibératif, un instrument qu’il a inventé :

“Prenez un échantillon national représentatif de l’électorat et rassemblez ces personnes venues de tout le pays dans un même lieu. Plongez cet échantillon dans le thème en question, avec un matériel informatif soigneusement équilibré, avec des discussions intensives en petits groupes, avec la possibilité d’auditionner des experts et des responsables politiques ayant des opinions opposées. À l’issue de plusieurs jours de travail en face-à-face, sondez les participants de façon détaillée. Le résultat offre une représentation du jugement éclairé du public.”

L’objectif est de se démarquer de la logique épistémologique et politique des sondages classiques : alors que ceux-ci ne représentent « qu’une agrégation statistique d’impressions vagues formées la plupart du temps sans connaître réellement les argumentaires contradictoires en compétition », les sondages délibératifs veulent permettre de savoir « ce que le public penserait s’il avait véritablement l’opportunité d’étudier le sujet débattu ».

Le tirage au sort a pour lui plusieurs arguments le légitimant :

  • une politique plus délibérative,
  • la diversité des expériences sociales,
  • un succédané de démocratie radicale,
  • l’impartialité.

L’argument de l’impartialité semble aujourd’hui être particulièrement convaincant à l’heure où le microcosme politique n’inspire plus confiance.

Un quatrième argument en faveur des mini-publics tirés au sort, plus consensuel et découlant d’une vaste expérience historique, repose sur leur impartialité. Les élus, les experts et les intérêts organisés sont fortement enclins à défendre des intérêts particuliers. À l’inverse, la sélection aléatoire tend à recruter des personnes non partisanes, sans intérêts de carrière à défendre et que des règles délibératives procédurales poussent à formuler un jugement tendu vers l’intérêt général. Cette caractéristique est notamment précieuse lorsqu’il s’agit de traiter des enjeux de long terme, comme la préservation des équilibres écologiques et des conditions de vie des générations futures.

Mais la démocratie délibérative doit pouvoir relever des défis :

  • la délibération face aux inégalités sociales,
  • les effets de la délibération sur les individus,
  • la question de la responsabilité,
  • la délibération contre la publicité,
  • la délibération des mini-publics contre délibération des masses,
  • la question de la transformation sociale.

Même si Yves Sintomer ne préconise pas de supprimer les élections, il souhaite associer le tirage au sort à l’élection afin d’enrichir la dynamique démocratique.

Dans le futur, il serait souhaitable que le tirage au sort soit de nouveau associé à l’élection, comme il le fut dans la majorité des expériences démocratiques et républicaines de l’histoire. Pour que cette innovation ait vraiment un sens, elle devrait être institutionnalisée légalement et ne pas reposer seulement sur la volonté politique de certains responsables. L’idée n’est bien sûr pas de supprimer les élections, mais d’enrichir la dynamique démocratique en y faisant intervenir ce nouvel élément à une échelle significative.

Reste à déterminer ce qu’il entend par “enrichir la dynamique démocratique” et quelle forme prendrait cette “intervention du tirage au sort à une échelle significative”.

gauche de gauche, à gauche de la gauche

Avant le premier tour des élections présidentielles, Frédéric Lordon confiait à Télérama sa vision de la campagne présidentielle.

Selon lui, s’il existe une gauche de gauche, c’est qu’il existe une gauche de droite. C’est d’ailleurs un point sensible de certains partis qui parlent de partis à gauche de la gauche plutôt que de partis "de la gauche de gauche’'.

C’est cette sorte de solidarité inavouée [entre éditorialistes de gauche et politiques de gauche] qui conduit Libération à titrer pleine page un énorme « De gauche » (1) au lendemain du discours de François Hollande au Bourget, implacable et désastreuse logique où passent à la fois l’ombre de la dénégation, le désir forcené de croire soi-même à ses propres énoncés et d’y trouver un semblant de réassurance, a contrario l’importune révélation d’un doute profond qui suit de devoir réaffirmer ce qui normalement devrait aller sans dire – et manifestement ne va pas de soi : quiconque éprouve-t-il le besoin d’informer que Sarkozy est « de droite » ? –, enfin l’espoir d’un résidu de pouvoir performatif par lequel les assertions éditoriales parviendraient encore à faire être ce qu’elles énoncent. Hélas, solidaires dans la certification mutuelle de leur identité « de gauche », éditorialistes et hiérarques « de la gauche » sont solidairement emportés lorsque, mentionnant « la gauche de la gauche », ils laissent maladroitement entendre ipso facto que « la gauche », leur « gauche », n’est finalement pas très de gauche.

C’est en fin de compte une question de référentiel : si l’UMP est de gauche par rapport au Front National, l’UMP est de droite par rapport au Parti Communiste. Le référentiel, le cadre, étant actuellement très à droite, être de gauche n’est rien d’autre que sortir du cadre pour recréer un cadre à la gauche du précédent !

Il n’est pas inexact de dire parfois qu’« il n’y a pas alternative », mais à la condition – hors laquelle le fait d’escroquerie intellectuelle est constitué – d’ajouter aussitôt qu’une proposition de ce genre n’a de validité qu’à l’intérieur d’un certain cadre, et sous la prémisse implicite de ne pas toucher à ce cadre. Or si dans le « certain cadre » il n’y a pas d’autre solution possible, il y a néanmoins toujours la solution de sortir du cadre. Et de le refaire. Les choses deviennent alors étrangement simples sous cette perspective : être de gauche, c’est être prêt à attaquer le cadre. Si la gauche de gauche est un certain rapport au cadre, alors voilà quel il est : de liberté et de souveraineté.

Et comme le “parti socialiste au socialisme parti” n’est plus crédible, ayant perdu un peu plus de crédit à chaque fois qu’il était au pouvoir, c’est donc à sa gauche qu’il faut dorénavant prêter attention pour y trouver des forces vives.

C’est que la liste est si longue des renoncements, des conversions et des trahisons de « la gauche » qui n’est pas de gauche, la gauche de droite, en tout cas d’après ce criterium simple : être de droite, c’est vouloir ne pas changer le cadre ; être de gauche, c’est vouloir le transformer – et même 75% de taux supérieur d’imposition ne qualifient pas à être de gauche, qui ne font que réparer à la marge les dégâts d’inégalité à l’intérieur du cadre, inaltéré.

Alors où se trouve la vraie gauche ? Qui est la gauche de gauche ?

Et les Français qui votent à gauche ont-ils conscience de voter à gauche de la droite plutôt que pour une gauche de gauche ?

où en sont les négociations pour limiter le réchauffement planétaire ?

Dans un article intitulé où en sont les négociations pour limiter le réchauffement planétaire ?, Maxime Combes dresse un état des lieux peu flatteur des négociations internationales sur les émissions de gaz à effet de serre.

Un nouveau record d’émissions de gaz à effet de serre a encore été battu en 2011. Plusieurs instituts de recherche annoncent un réchauffement de plus de 3,5 °C d’ici à la fin du siècle. Malgré cela, de nouvelles négociations climatiques viennent de se terminer, dans l’indifférence générale, à Bonn. Toujours pas d’accord en vue. Les États continuent de se renvoyer la balle, le marché du carbone est en pleine déconfiture, et les promesses des grandes négociations tombent dans l’oubli. Le chaos climatique, lui, n’attend pas.

Décidément, les représentants politiques désignés par l’élection, l’élite aristocratique censée nous représenter et nous guider, semble de moins en moins capable de nous sortir de la crise écologique.

Souhaitons que ce proverbe amérindien puisse les inspirer : “quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas.”

pourquoi les pauvres votent-ils contre leurs intérêts ?

Pourquoi les pauvres votent-ils contre leurs intérêts ? Pour expliquer cette attitude, les économistes Ilyana Kuziemko et Michael Norton ont récemment proposé une explication insolite : ils affirment que le caractère déterminant de la peur de la dernière place augmente à mesure que le revenu diminue et que cette dernière place se fait plus proche.

Pour prouver leur thèse, I. Kuziemko et M.I. Norton ont fait une expérience en forme de jeu. Chaque joueur s’est arbitrairement accordé un « revenu », échelonné selon une différence constante (1,75, 2, 2,25 dollars, etc.). À chaque tour, les joueurs doivent faire un choix. Ils peuvent soit opter pour une augmentation certaine de leur salaire de l’ordre de 25 cents, soit participer à une loterie qui leur donne 75 % de chance d’augmenter leur salaire de un dollar (soit quatre fois plus que l’augmentation « normale »)…, mais 25 % de chances de voir leur salaire diminuer de 2 dollars. Si tous les joueurs choisissent l’augmentation garantie, les plus pauvres resteront les plus pauvres, même si leurs salaires augmentent régulièrement. Pour pouvoir se déplacer vers le haut dans la distribution salariale, les plus pauvres doivent risquer la loterie – et, bien entendu, s’en sortir vainqueurs.

Il s’avère que les individus les plus susceptibles de tenter leur chance à la loterie sont les derniers et les avant-derniers de la distribution salariale. Les derniers ne se contentent pas, en somme, de gagner davantage (ceux que leur offre l’augmentation garantie), ils aspirent à sortir de la honte d’être les derniers. Les avant-derniers, eux, jugeant (avec raison) que les derniers risqueront la loterie pour tenter d’améliorer leur sort, doivent également prendre un risque pour ne pas se trouver dépassés et donc relégués en dernière position. Les individus placés plus haut dans la distribution salariale choisissent très majoritairement l’augmentation certaine de 25 cents, preuve, selon les chercheurs, que les joueurs sont motivés moins par une envie de monter dans la distribution salariale que par la peur de se retrouver tout en bas.

L’article intitulé pourquoi les pauvres votent-ils contre leurs intérêts ? indique cependant que ce modèle n’explique pas à lui seul ce comportement qui peut sembler étonnant. D’autres facteurs peuvent concourir au même comportement comme par exemple une mauvaise perception des inégalités de répartition des richesses ou une surestimation de la probabilité d’ascension sociale.

la décision dans une organisation

Le psychologue expérimental Norman Maier a théorisé le processus de décision dans une organisation.

Il explique qu’une décision doit être analysée sous 2 dimensions :

  • le poids social interne,
  • le poids sur l’efficience opérationnelle.

Selon que le poids de chaque dimension est faible ou fort, on distingue donc 4 cas possibles :

  • cas 1 : poids social interne faible et poids sur l’efficience opérationnelle faible :
    • ce cas correspond à des décisions simple comme la couleur des murs ou le modèle des lampes de bureau
    • ces décisions peuvent aisément être prises par le jeu de pile ou face
    • ce sont des décisions dont les impacts sont faibles, donc sans enjeux
  • cas 2 : poids social interne faible et poids sur l’efficience opérationnelle fort :
    • ce cas correspond à des décisions complexes qui nécessitent une expertise
    • ces décisions sont le domaine réservé des experts
    • ce sont des décisions dont les impacts sociaux sont faibles, donc sans enjeux pour le groupe
  • cas 3 : poids social interne fort et poids sur l’efficience opérationnelle faible :
    • ce cas correspond à des décisions comme la répartition des heures supplémentaires dans un atelier, ou la répartition des représentants commerciaux sur une zone géographique
    • ces décisions sont le domaine privilégié des décisions de groupe
    • ce sont des décisions dont les impacts sur l’efficience opérationnelle sont faibles, donc sans enjeux pour les expert
  • cas 4 : poids social interne fort et poids sur l’efficience opérationnelle fort :
    • ce cas correspond à ces décisions comme la mise en place des 35 heures en France
    • ces décisions sont les plus difficiles à prendre du fait des contraintes multiples à satisfaire
    • Norman Maier préconise de faire appel à un véritable animateur qui amènera le groupe à prendre une décision dans le cadre de ce que l’expert a indiqué comme champ des possibles
    • le groupe adhère donc à la décision qu’il vient lui-même de prendre dans un sentiment de liberté factice (appelée soumission librement consentie et effet de gel)

Tous les processus participatifs deviennent dès lors susceptibles de manipulation par les véritables animateurs et les experts qui les mettent en place. Un peu de recul et une rigueur d’analyse du contexte du processus participatif deviennent alors nécessaires afin de ne pas tomber dans le piège de la manipulation.

Cette analyse est extraite d’un livre de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois intitulé petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens.

publicité et manipulation

Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois sont les auteurs d’un livre intitulé petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens.

Cet ouvrage n’est pas de toute première fraicheur (la première publication date de 1987) mais reste d’actualité tant les techniques de manipulation qu’il dévoile sont toujours utilisées de nos jours.

La publicité est l’art de faire acheter des choses inutiles. En effet, ce qui est utile n’a pas besoin de publicité pour se vendre. La publicité est donc un domaine où la manipulation a toute sa place.

Le sujet de la manipulation dans la publicité est rapidement évoqué dans le livre et éclaire d’un jour nouveau l’utilité de la publicité. Elle servirait non pas tant à séduire au préalable les consommateurs afin qu’ils achètent ce produit mais plutôt à justifier a posteriori l’acte d’achat par ces mêmes consommateurs.

Le consommateur est un acheteur sans état d’âme et dont l’imaginaire de consommateur n’est qu’un après-coup de ses comportements d’achat.

En toute sincérité, ne vous est-il jamais arrivé d’effectuer un achat sans trop savoir pourquoi ? Par exemple : une automobile de telle marque plutôt que de telle autre ? Oui ? Alors vous vous rappelez peut-être que vous vous êtes efforcé, aussitôt après, de trouver des raisons qui attestaient du bien-fondé de votre achat. Et ces raisons où les avez-vous trouvées, sinon dans la publicité ? On peut à ce propos se demander si l’une des fonctions essentielles des images publicitaires, plutôt que d’appâter le client potentiel, ce que l’on proclame, ne serait pas de conforter les clients effectifs dans les comportements d’achat qu’ils ont déjà réalisés, ce qu’on ne dit pas. Si on ne le dit pas, c’est soit qu’on l’ignore, soit qu’on feint de l’ignorer, parce que le dire reviendrait à s’avouer que la qualité des produits ne suffit pas à entretenir leur consommation et, par conséquent, qu’il faut nourrir d’images celui qui vient d’acheter un produit donné, pour des raisons non maîtrisées, afin qu’il persiste dans l’achat de ce produit.

En somme, si la morale est quelque peu bafouée, c’est parce que la technique de vente employée (la manipulation) vous conduit à consommer ni sur la base de votre raison, ni sur la base de vos désirs, mais sur celle d’une technologie des circonstances qui vous prédispose à acheter ceci plutôt que cela.

Par conséquent, si on ne peut pas forcer les consommateurs à acheter, il faut recourir à la persuasion (éventuellement par le mensonge) ou à la manipulation pour arriver à ses fins.

Serait-ce vraiment plus moral d’amener un client à acheter un produit en lui fournissant de mauvaises raisons [donc par le mensonge] que de l’amener à acheter ce même produit en ne lui en fournissant point ? [donc par la manipulation]

On peut relever que la publicité s’accommode très bien du mensonge comme de la manipulation. Le mensonge fait partie des outils de la publicité au même titre que la manipulation, à tel point qu’il est courant qu’une publicité use des 2 techniques et qu’il en devient parfois délicat de distinguer la part de mensonge et la part de manipulation d’une publicité.

regardons plus loin

Jean-Claude Guillebaud, écrivain et journaliste, a publié un article intitulé regardons plus loin dans lequel il imagine un troisième tour électoral après les élections présidentielles. Ce troisième tour concocté par les marchés financiers serait calamiteux, quel que soit le candidat qui l’emporterait au second tour.

Que veut-on dire par là ? Que les agences de notation et les salles de marché peuvent parier sur une faiblesse de la France et organiser une attaque spéculative contre cette dernière. Il leur suffira de renchérir le taux d’intérêt demandé à notre pays pour faire grimper notre dette et boucher l’horizon. Ce risque-là, ce jeu à plusieurs inconnues, tous les candidats l’ont intériorisé. Quelles sont les inconnues de cette fatale équation ?

La première inconnue de cette équation est la dette dont le remboursement des intérêts pèse sur le budget de l’état. Cela conduit les programmes électoraux des candidats à proposer de réduire les dépenses de l’état ou d’augmenter les recettes fiscales (ou les deux).

Mais la deuxième inconnue est autrement plus intéressante :

Les marchés financiers, eux, ne s’y trompent pas : ils craignent une récession résultant d’une austérité qui ne serait pas accompagnée de croissance.

Voilà donc la deuxième inconnue de l’équation. C’est à son propos que nos candidats sont le plus embarrassés. Aucun n’ose dire à voix haute ce qu’on murmure un peu partout : la croissance ne reviendra plus en Europe. Avec ou sans l’austérité, nous sommes condamnés à une croissance minimale, voire nulle. La vraie question devient celle-ci : cette croissance envolée, au fond, était-elle si souhaitable ? D’un point de vue arithmétique, sans doute. Mais pour le reste ? Écologiquement, humainement, qui oserait prétendre que la fuite en avant consumériste, productiviste et gaspilleuse correspond encore à un dessein historique raisonnable ? Est-ce le monde que nous voulons construire ? Les vrais réalistes ne seraient-ils pas ceux qui proposent de changer la règle d’un jeu devenu perdant : vivre autrement, imaginer une autre société, promouvoir d’autres rapports humains.

Il conclut par cette phrase chargée à la fois d’espoir et d’inquiétude : “ces questions fondamentales nous attendent de pied ferme”.