si, c'est vrai !

l'Europe condamnée par l'Europe

Dans un article intitulé l’Europe condamnée par l’Europe, Isabelle Schömann liste les institutions internationales et européennes condamnant la politique austéritaire de l’Union Européenne :

  • dans une résolution adoptée en juin 2012, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’inquiète des menaces que les mesures d’austérité font peser sur « la démocratie et les droits sociaux » des pays concernés
  • toujours au sein du Conseil de l’Europe, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a jugé contraire à la Charte sociale européenne plusieurs articles des lois d’austérité adoptées par Athènes en accord avec la troïka
  • parallèlement, dans son rapport n° 365 de novembre 2012, le comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail (OIT) estime que la liberté de négociation collective et le principe de l’inviolabilité des conventions collectives ont été violés à de nombreuses reprises par les lois grecques mettant en œuvre les prescriptions de la troïka, ces prescriptions allant à l’encontre des principes fondamentaux de l’OIT
  • dans un arrêt rendu le 14 mai 2003, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu, à l’unanimité, que le droit de propriété d’une requérante avait été violé par une loi hongroise taxant une partie de son indemnité de licenciement à 98 % sous le prétexte de lutter contre la crise

Tout aussi grave : les nouvelles mesures sont le produit d’une culture hors-sol et ne se basent pas sur les textes de loi adoptés au sein de l’Union européenne et actuellement en vigueur :

Les mesures adoptées dans le cadre des « plans de sauvetage » se trouvent en marge du droit commun. Elles ne font ainsi référence ni aux traités de l’Union européenne, ni aux conventions internationales de l’OIT, ni à la Charte sociale européenne, ni à la Convention européennes des droits de l’homme (CEDH) du Conseil de l’Europe. Il s’agit de décisions qui échappent à la plupart des contrôles parlementaires ou judiciaires. Ce statut particulier est corroboré par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui estime que les décisions prises par les institutions européennes dans le cadre du mécanisme européen de stabilité (MES) ne peuvent faire l’objet de recours devant elle.

On voit ainsi comment l’Union européenne cultive sont impopularité, qui se développe parallèlement à son illégitimité.

le chômage de 2008 à 2014

Dans un article intitulé le chômage, M. Hollande et M. Sarkozy, Jacques Sapir analyse l’évolution du chômage en France, durant les mandats de M. Sarkozy puis de M. Hollande.

Il note en premier lieu l’absence de statistiques précises sur les radiations de demandeurs d’emploi alors que cela devrait être une statistique facile à calculer du fait qu’une radiation est une action volontaire d’une administration. Une telle statistique ne consisterait finalement qu’à effectuer une addition.

En l’absence de statistiques précises sur les radiations de demandeurs d’emploi, on est réduit à recourir à des estimations, qui donnent environ 300 000 personnes victimes d’une radiation administrative alors qu’elle est toujours sans emploi.

Mais le point important réside dans le fait que la seconde vague de hausse du chômage - depuis mai 2011 - n’est pas la conséquence de la crise financière de 2008, mais est liée à la politique d’austérité décidée par le gouvernement, en accord avec les instances européennes.

Si cette politique est l’oeuvre du gouvernement précédent, elle perdure avec le gouvernement actuel.

Une première observation est alors possible. La hausse du chômage que nous connaissons actuellement n’est pas la conséquence de la crise financière de septembre 2008. Les effets de cette dernière, qui furent très importants, ne se sont faits sentir que jusqu’en mai 2010. La hausse du chômage actuelle est liée à autre chose : ce que l’on a appelé « l’Euro-Austérité ». On voit bien que le nombre des demandeurs d’emplois augmente régulièrement depuis mai 2011. Le tournant vers l’Euro-Austérité n’a pas été pris par le gouvernement actuel mais par l’ancien gouvernement.

Mais, cette observation en appelle une deuxième. La politique menée par le président actuel, M. François Hollande et par ses deux premiers ministres successifs (MM. Ayrault et Valls) n’a marqué aucune rupture avec l’ancienne politique. Au contraire, elle l’approfondit et l’aggrave, ce qui se traduit par une hausse quasi continue du nombre des demandeurs d’emplois. La politique actuelle est bien ce que l’on peut appeler une « politique de droite ».

Les statistiques du chômage de mai 2014 indiquent que le total des chômeurs (toutes catégories incluses : A, B, C, D, E) en comptant les personnes radiées de Pôle Emploi (sur la base d’une estimation, en l’absence de statistiques officielles) représente 21,6 % de la population active.

Ainsi, une personne active sur cinq est soit au chômage, soit dans une situation d’extrême précarité. Telle est la situation réelle en France, après trois ans d’Euro-austérité.

Le fait qu’un cinquième de la population active soit en réalité inactive est le signe d’une société dysfonctionnelle.

Le fait qu’un gouvernement à majorité socialiste pratique une politique de droite est la marque d’un système politique dysfonctionnel.

modélisation de l'effondrement d'une civilisation

La thèse de Safa Motesharrei porte sur les causes de l’effondrement d’une civilisation. Un article intéressant essaie d’en comprendre les tenants et les aboutissants.

La nouveauté du modèle proposé par cette thèse est simple à comprendre :

Le modèle HANDY de Motesharrei et ses collègues comprend un paramètre supplémentaire: celui de l’existence de deux populations inégales de prédateurs, une population d’«Elites» et une population de «Roturiers» (Commoners en anglais). Ces deux populations diffèrent par leur mode de consommation des ressources: les Roturiers dépensent pour survivre, alors que les Elites dépensent k fois plus pour mettre de côté des surplus de richesse (Wealth).

Et le coupable est à chercher du côté du partage des richesses :

L’identification du coupable principal, le serial killer de toutes ces civilisations passées [est] … l’inégalité socioéconomique! […] seule une plus grande égalité entre les humains leur aurait permis d’éviter de disparaître…

Si les solutions pour sortir de l’impasse sont connues, il ne faut cependant pas compter sur les élites pour les mettre en oeuvre :

Comme pour les Mayas, cette étude affirme sans surprise qu’un tel risque existe pour notre civilisation, d’autant que, si elle propose des pistes pour éviter la catastrophe (consommer moins, polluer moins, réduire les inégalités d’un facteur 10, réduire la croissance démographique, partager le temps de travail…), elle prédit également que nos Elites y resteront sourdes!

Finalement, même si les élites savent qu’on va dans le mur, elles continueront d’accélérer jusqu’à ce qu’on y soit réellement. On ne peut donc compter que sur nous-même pour réorienter la marche du monde.

la croissance d'abord ?

Dans un article intitulé la croissance d’abord ? « C’est la plus forte des croyances économiques. », Jean Gadrey raconte son parcours et comment il est passé d’une conviction productiviste à une position où il pense qu’il faut apprendre à vivre sans compter sur la croissance.

[La croissance] ne reviendra pas. Surtout, c’est se tromper sur la crise en cours, sur ses causes. Cette crise est apparue aux États-Unis, puis elle a traversé l’Atlantique, après une période de belle croissance. C’est, d’une certaine façon, une crise de croissance.

Parier sur la croissance, c’est parier sur le partage d’un gâteau toujours plus gros.

Nous vivons sur cette image du gâteau, le Produit intérieur brut (PIB), qui doit grossir. Et si ce gâteau ne grossit pas, on ne pourra pas en donner aux plus pauvres, même des miettes… C’est une image excessivement trompeuse. D’abord, à qui ont profité les dix années, 1997-2007, de croissance aux USA ? Ça s’est accompagné d’une stagnation, voire d’une régression, pour 90 % des ménages. Une très belle croissance, donc, mais qui ne profitait qu’aux 10 % et surtout aux 1 % les plus riches. Les parts étaient de plus en plus inégales.

Et surtout, le gâteau qui grossit sans cesse, il est de plus en plus bourré de substances toxiques, d’actifs toxiques. Il est de plus en plus empoisonné. Partager un gâteau empoisonné, qui ça fait vraiment saliver ? Voilà ce que nous cachent les discours enflammés de Hollande, d’Obama et du G8 prônant le « retour à la croissance ». Jamais ils ne s’interrogent : n’y a-t-il pas contradiction entre la poursuite dans la voie du « toujours plus » et le règlement des grandes questions, du climat, de la biodiversité, ou de la pauvreté dans le monde ?

En 1968, favori pour les primaires démocrates aux États-Unis, Robert F. Kennedy, frère cadet de JFK, prononçait un discours iconoclaste peu avant son assassinat.

Notre PIB prend en compte… la publicité pour le tabac et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes. Il comptabilise les systèmes de sécurité que nous installons pour protéger nos habitations et le coût des prisons où nous enfermons ceux qui réussissent à les forcer. Il intègre la destruction de nos forêts de séquoias ainsi que leur remplacement par un urbanisme tentaculaire et chaotique. Il comprend la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures blindées de la police destinées à réprimer des émeutes dans nos villes. Il comptabilise la fabrication du fusil Whitman et du couteau Speck, ainsi que les programmes de télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants…

En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue.

La nécessité de la croissance est la plus forte des croyances économiques : jamais démontrée mais toujours nécessaire.

La croissance est la plus forte des croyances économiques, elle traverse presque tous les courants de pensée politiques. Et tous les courants de la pensée économique… Même les copains. Prenez les économistes atterrés. J’ai signé leur manifeste parce que, contre les dogmes libéraux, ils cognent bien. Mais ils sont keynésiens, ils misent sur la croissance… Y compris certains qui disent : « Si on m’enlève la croissance, je ne peux plus rien faire. » Ils se sentent désarmés. Pourtant, il y a deux Keynes. Il y a le Keynes qui dit, en gros, « dans une situation de crise, de chômage, il faut relancer l’économie. » Et puis, il y a le Keynes qui écrit Les Perspectives économiques pour mes petits-enfants. Il estimait que, deux générations après la sienne, les hommes seraient environ huit fois plus riches qu’à son époque et qu’avec cette abondance matérielle, je vous le cite, c’est formidable, « il sera temps pour l’humanité d’apprendre comment consacrer son énergie à des buts autres qu’économiques… L’amour de l’argent comme objet de possession, qu’il faut distinguer de l’amour de l’argent comme moyen de se procurer les plaisirs et les réalités de la vie, sera reconnu pour ce qu’il est : un état morbide plutôt répugnant, l’une de ces inclinations à demi-criminelles et à demi-pathologiques dont on confie le soin en frissonnant aux spécialistes des maladies mentales ! » Mais les keynésiens d’aujourd’hui oublient ce Keynes-là. Je me souviens d’avoir débattu de ça avec Jean-Paul Fitoussi, il y a deux ans. Je lui ai dit : « Mais tu es bien keynésien, Jean-Paul ? Keynes, il a écrit ça… – Oui mais, Keynes, il s’est juste trompé d’un siècle. Dans un siècle on pourra raisonner comme ça. » Évidemment, le Fitoussi de dans un siècle, il dira que c’est valable pour le siècle suivant et d’ici-là, l’humanité aura connu quelques problèmes…

[Il y a un Keynes] un technicien de court terme, contre un Keynes philosophe… Les économistes de gauche ne retiennent que le premier. Et pour eux, quand c’est la crise, c’est pas le moment de remettre en cause la croissance. Et quand ça va, eh bien, c’est pas le moment non plus ! De toute façon, c’est jamais le moment… Quand je discute avec ces collègues, je leur demande : « Mais, est-ce que vous connaissez un modèle qui permet de diviser les émissions de gaz à effet de serre par cinq d’ici 2050 et de quand même maintenir 2 % de croissance par an ? » Non, mais ils vous parlent des « technologies », qui vont permettre de tout résoudre comme par magie. Je ne leur dis pas comme ça mais, au fond, ils pensent comme Claude Allègre… Un converti contre la croissance.

Ce qui a amené Jean Gadrey à changer d’avis c’est une prise de conscience sur le sens donné à la notion de productivité.

La productivité a un certain sens dans l’industrie, mais quand on l’applique à la santé, à l’éducation, ça signifie quoi ? C’est quoi la productivité d’un toubib, d’une aide à domicile ? Qu’elles s’occupent des personnes âgées en dix minutes au lieu d’une demi-heure ? ça veut dire qu’on laisse complètement de côté les questions de qualité ?

Mais si lui a changé de position, il estime que les autres économistes seront peu nombreux à changer d’avis, tout simplement par intérêt personnel.

Mais ça sera vraiment la dernière profession à changer – puisque, estiment-ils, ils sont assis sur cette branche, la croissance.

L’obsession européenne de la croissance date des deux dernières guerres mondiales.

En France, c’est au tournant des années 1950 que la comptabilité nationale s’installe définitivement. Avec un grand consensus entre des catholiques, des gaullistes, des communistes, pour la reconstruction, avec la conviction que, si la France a vécu la débâcle en 1940, c’est qu’elle ne produisait pas assez. L’obsession de ces gens-là, c’est : « La France a perdu la guerre, parce qu’elle n’avait pas les capacités productives. » Mais quand les innovateurs, dans l’après- guerre, allaient présenter ça au ministère, auprès de l’élite de la finance publique, on les prenait pour des rigolos. Il a fallu des années, l’appui de Mendès-France, le rôle de L’Express, pour que cette innovation prenne. On s’inspire alors en partie des méthodes soviétiques, en privilégiant la production matérielle par rapport aux services. Il a fallu trente ans, en 1976, pour que la santé, l’éducation, soient intégrées dans le PIB.

Même la gauche critique pense dans un cadre régi par la croissance, comme par exemple lorsqu’il défend l’augmentation du smic sans effort grâce à la croissance et aux gains de productivité.

Je trouve dommage que le Front de gauche ne reprenne pas, au fond, le vieil argument de l’économiste John Stuart Mill, dont je suis fan : « C’est seulement dans les pays retardés du monde que l’accroissement de la production est un objectif important : dans les plus avancés, ce dont on a besoin sur le plan économique est une meilleure répartition. » Et cela date de 1848 ! C’est le grand-père de l’écologie politique. Or, la hausse du salaire minimum, la retraite à 60 ans, on peut le faire sans croissance. Simplement en distribuant mieux. Le Smic brut à 1 700 euros, soit 21 % d’augmentation, c’est quinze milliards d’euros en plus à verser. Les bénéfices non-réinvestis des entreprises, essentiellement des dividendes, c’est cent milliards d’euros. Il y a une marge de manœuvre.

Et abandonner le dogme de la croissance comporte un prérequis indispensable : diminuer les inégalités.

Aujourd’hui, les dépenses d’énergie, c’est en moyenne de 15 % pour les 20 % de ménages les plus pauvres, contre 6 % pour les 20 % les plus riches. Donc, si la solution proposée, c’est d’augmenter le coût de l’essence, du gaz, de l’électricité, je le refuse – tout comme je me suis opposé à la taxe carbone : c’est encore un fardeau pour les foyers les plus modestes. Il faut d’abord une réforme fiscale d’ampleur, qui lisse les revenus.

A tous les économistes : apprenez à penser hors du cadre !

pacte de responsabilité : une erreur historique

Dans un article intitulé pacte de responsabilité : une erreur historique, Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, analyse l’erreur historique opérée par les gouvernements de gauche.

Economiser l’argent public est une nécessité. Utiliser ces économies pour réduire le coût du travail et les impôts constitue en revanche l’une des plus graves erreurs politiques de l’histoire sociale de la gauche. Après Lionel Jospin en 1999 - qui lance une politique de cadeaux fiscaux à grande échelle - une seconde fois, le camp du progrès social se tire une balle dans le pied. Le gouvernement a pourtant les moyens de répondre à des besoins concrets et de moderniser les services publics. Mais au fait, que peut-on faire avec les 30 milliards d’euros qui seront consacrés chaque année à diminuer les charges patronales ?

Les coupes dans les budgets sont décidées non pas en fonction de l’utilité des dépenses, mais en fonction du niveau de mobilisation de la population concernée.

Le gouvernement va piocher pour l’essentiel là où c’est le plus simple, là où les intérêts sont les moins bien représentés, non dans les dépenses qui ne servent à rien. On pourrait dégager des marges en luttant contre la fraude fiscale, en piochant dans ces niches dont le coût se chiffre toujours en milliards, dans les caisses des vendeurs de médicaments ou de l’élite des professions de santé, dans les marchés publics juteux, dans les méandres des investissements inutiles des collectivités locales. Laisser l’inflation réduire les salaires des fonctionnaires, le niveau des allocations logement ou les retraites relève de la facilité. Laisser l’inflation grignoter des revenus a l’effet d’une hausse d’impôt, qui porte sur les fonctionnaires et les titulaires de prestations, mais épargne les couches aisées du privé.

Avec l’équivalent du montant du cadeau fait aux entreprises, l’état aurait pourtant pu mener à bien de nombreux projets pour améliorer la vie des citoyens.

Que faire avec 30 milliards ?

Pour bien comprendre l’immensité du désastre, il faut parler concret. Personne ne présente ce qui aurait pu être entrepris à la place des 30 milliards de baisse du coût du travail offerte aux entreprises. Accorder un minimum social à 500 000 jeunes en grande difficulté coûterait trois milliards. Un dixième du total. Autant que la dépense annuelle pour 200 000 places de crèche. 60 000 logements sociaux annuels pèsent moins d’un milliard - financement de l’Etat et des collectivités locales compris. Une aide de 300 euros mensuels pour 300 000 personnes âgées démunies vivant en maison de retraite, c’est un milliard. L’ensemble de ces dépenses ? A peine plus d’un cinquième de ce qui partira en fumée dans le pacte de responsabilité. A la question : que ferions-nous pour la France si nous avions 30 milliards ? La réponse est vite trouvée.

On pourrait continuer la liste des urgences sociales que le secteur privé seul ne peut pas satisfaire, des transports en commun à l’environnement, en passant par la rénovation des prisons, l’accès aux soins, la modernisation des écoles, l’accès aux loisirs ou à la culture, la réduction de la dette publique. Ou prendre le problème autrement. Créez un fond de développement associatif doté de trois « petits » milliards (donc, un dixième de l’addition pacte de responsabilité), qui verserait 15 000 euros (c’est beaucoup) aux associations par an par emploi créé, à charge pour elles de trouver un complément issu de leurs activités. Vous obtenez plus de 200 000 emplois. De la culture aux loisirs, de l’aide aux jeunes ou aux aînés, de l’environnement au tourisme, les gisements du tiers secteur sont immenses.

Au final, le calcul politique de la gauche d’aller à la pêche électorale sur sa droite se révèlera un bien mauvais calcul à long terme.

Un suicide politique

Beaucoup de commentateurs trouvent astucieux qu’un Président de gauche mène une politique de droite pour couper l’herbe sous le pied de ses adversaires. Passez sur ce que cela signifie en termes de valeurs, et raisonnez comme les communicants d’aujourd’hui en termes d’opinion. Imaginez un instant l’impact politique d’un programme qui répondrait aux besoins cités plus haut chez les jeunes ou les catégories populaires et moyennes. Imaginez l’effet de ces mesures en termes de modernisation de l’offre publique et de réduction des inégalités.

Le président de la République, enfermé dans l’univers clos de l’Elysée, a commis une sorte de suicide politique. Il a déjà emporté avec lui une grande partie des élus de gauche au niveau des communes, ce sera le cas demain aux autres échelons. Il emporte surtout les espoirs de beaucoup de ceux qui ont voté pour lui - pas seulement de gauche - qui croient encore à la modernisation de notre pays et à la réforme progressiste.

Pour la première fois de l’Histoire, un gouvernement socialiste arrivé au pouvoir ne laissera derrière lui aucune conquête sociale. 1936, 1981, 1997 : à chaque fois, l’alternance aura été marquée par un progrès. Le renoncement actuel marque une étape, ouvre un boulevard électoral au Front national comme parti du changement. La droite traditionnelle a tort de se réjouir de la situation actuelle. Piégée par une politique qu’elle préconisait hier, elle s’enfonce dans une surenchère. Elle n’est pas plus capable de construire un programme conservateur qui s’adresse aux couches populaires.

Le bipartisme tant souhaité par l’UMP et le PS est en train de les mener à leur perte.

pourquoi les pauvres votent à droite ?

Un article de Serge Halimi intitulé pourquoi les pauvres votent à droite ? constitue la préface d’un livre éponyme écrit par Thomas Franck. Ce dernier a enquêté dans son état natal : le Kansas.

Frank éclaire un autre paradoxe, qui n’est pas spécifi­quement américain, et qui l’est même de moins en moins. L’insécurité économique déchaînée par le nouveau capitalisme a conduit une partie du prolétariat et des classes moyennes à rechercher la sécurité ailleurs, dans un univers « moral » qui, lui, ne bougerait pas trop, voire qui réhabiliterait des comportements anciens, plus familiers. Ces cols bleus ou ces cols blancs votent alors pour les Républicains car les architectes de la révolution libérale et de l’instabilité sociale qui en découle ont eu l’habileté de mettre en avant leur conservatisme sur le terrain des « valeurs ». Parfois, leur sincérité n’est pas en cause : on peut spéculer sur les fonds de pension les plus « inno­vants » tout en s’opposant à l’avortement. La droite gagne alors sur les deux tableaux, le « traditionnel » et le « libé­ral ». L’aspiration au retour à l’ordre (social, racial, sexuel, moral) s’accroît au rythme de la déstabilisation induite par ses « réformes » économiques. Les conquêtes ouvrières que le capitalisme doit refouler en prétextant la concur­rence internationale sont présentées comme autant de reliquats d’une ère révolue. Voire d’un droit à la paresse, à la fraude, à l’« assistanat », à l’immoralité d’une culture trop accommodante envers les corporatismes et les « avan­tages acquis ». La concurrence avec la Chine ou avec l’Inde (hier, avec le Japon ou l’Allemagne) impose que la jouissance cède le pas au sacrifice. Haro donc sur ceux qui ont dénaturé la « valeur travail » !

Le libéralisme économique avance masqué derrière le conservatisme des valeurs.

C’est là une vieille recette de la droite : pour ne pas avoir à s’étendre sur la question des intérêts (économiques) — ce qui est sage quand on défend ceux d’une minorité de la population —, il faut se montrer intarissable sur le thème des valeurs, de la « culture » et des postures : ordre, autorité, travail, mérite, moralité, famille. La manœuvre est d’autant plus naturelle que la gauche, terrorisée à l’idée qu’on pourrait la taxer de « populisme », refuse de dési­gner ses adversaires, à supposer qu’elle en conserve un seul en dehors du racisme et de la méchanceté. Pour le parti démocrate, la peur de faire peur — c’est-à-dire en vérité celle d’être vraiment de gauche — devint paralysante à un moment où, de son côté, la droite ne montrait aucune retenue, aucun « complexe » de ce genre. Un jour, François Hollande, qui n’avait pas employé le mot « ouvrier » une seule fois dans sa motion adoptée par les militants lors du congrès de Dijon (2003), laissa échap­per que les socialistes français s’en prendraient peut-être aux « riches ». Il se garda de récidiver devant le hourvari qui s’ensuivit. Demeurent donc les valeurs pour feindre de se distinguer encore. En débattre sans relâche a permis à la gauche libérale de maquiller son accord avec la droite conservatrice sur les dossiers de la mondialisation ou des rapports avec le patronat — « les entrepreneurs ». Mais cela a offert aux conservateurs l’occasion d’installer la discorde au sein des catégories populaires, en général plus parta­gées sur les questions de morale et de discipline que sur la nécessité d’un bon salaire.

Finalement, la recette est simple : diviser pour mieux régner.

Nicolas Sarkozy a refusé « que ceux qui ne veulent rien faire, que ceux qui ne veulent pas travailler vivent sur le dos de ceux qui se lèvent tôt et qui travaillent dur ». Il a opposé la France « qui se lève tôt » à celle des « assistés », jamais à celle des rentiers.

Et si cela ne suffit par, une seconde recette consiste à faire diversion.

En prenant pour cible principale l’élite de la culture, le populisme de droite a protégé l’élite de l’argent.

Et enfin offrir aux médias un masque cohérent avec le message qu’on délivre, une fausse authenticité.

Nicolas Sarkozy confia à Paris Match : « Je suis comme la plupart des gens : j’aime ce qu’ils aiment. J’aime le Tour de France, le football, je vais voir Les Bronzés 3. J’aime écouter de la chanson populaire. »

Nicolas Sarkozy appréciait aussi les soirées du Fouquet’s, les yachts de Vincent Bolloré et la perspective de gagner énormément d’argent en enchaînant les confé­rences devant des publics de banquiers et d’industriels.

La prochaine fois qu’un politicien vous parle de valeurs, méfiez-vous ! Soyez plutôt à l’écoute de ce dont il ne parle pas !

déficit, croissance, emplois, les chefs d'entreprise seront-ils à la hauteur ?

Dans un article intitulé déficit, croissance, emplois, la balle est maintenant dans le camp des chefs d’entreprise : seront-ils à la hauteur ?, Christian Chavagneux pointe les faiblesses de l’orientation de la politique gouvernementale. Le gouvernement persiste dans le contrôle massif des dépenses publiques, et donc le maintien d’une politique d’austérité.

Cette politique n’est rien d’autre qu’un véritable pari sur la croissance :

Dans ces conditions, la seule façon de diminuer le déficit est de compter sur le retour de la croissance.

Et un pari malheureusement dénué de tout projet de société ambitieux :

On comprend alors que le socialisme de l’offre, c’est tout parier, la croissance, l’emploi et la maîtrise des déficits publics, sur un changement de comportement structurel des chefs d’entreprises. Plus un pari risqué qu’une politique économique, sans même parler d’un projet de société.

Un commentaire d’Olivier mentionne le discours prononcé par Philippe Séguin il y a 22 ans, le 5 mai 1992 lors du débat sur le traité de Maastricht.

Maastricht, c’est ensuite la suppression de toute politique alternative, puisque la création d’un système européen de banque centrale, indépendant des gouvernements mais sous influence du mark, revient en quelque sorte à donner une valeur constitutionnelle à cette politique de change et à ses conséquences monétaires.

Quant à ceux qui voudraient croire qu’une politique budgétaire autonome demeurerait possible, je les renvoie au texte du traité, qui prévoit le respect de normes budgétaires tellement contraignantes qu’elles imposeront à un gouvernement confronté à une récession d’augmenter les taux d’imposition pour compenser la baisse des recettes fiscales et maintenir à tout prix le déficit budgétaire à moins de 3 p. 100 du PIB.

Enfin, et je souhaite insister sur ce point, la normalisation de la politique économique française implique à très court terme la révision à la baisse de notre système de protection sociale, qui va rapidement se révéler un obstacle rédhibitoire, tant pour l’harmonisation que pour la fameuse « convergence » des économies.

Un discours à mettre en regard de celui de Martine Aubry, le 12 septembre 1992 à Béthune :

C’est principalement peut-être sur l’Europe sociale qu’on entend un certain nombre de contrevérités. Et ceux qui ont le plus à gagner de l’Europe sociale, notamment les ouvriers et les employés, sont peut-être les plus inquiets sur ces contrevérités. Comment peut-on dire que l’Europe sera moins sociale demain qu’aujourd’hui ? Alors que ce sera plus d’emplois, plus de protection sociale et moins d’exclusion.

On constate aujourd’hui que les partisans de l’époque du traité de Maastricht semblent s’être plus largement trompés que les pessimistes qui se prononçaient contre. La réalité donne malheureusement raison aux pessimistes.

faillite démocratique de l'Union Européenne

Lorsqu’un commentaire de blog expose avec tant de justesse la faillite démocratique de l’Union Européenne, c’est un devoir que d’assurer à ce texte une large audience.

L’Union Européenne ne reconnaît les référendums que si les peuples votent comme le veut l’Union Européenne.

1- Premier exemple. Le traité de Maastricht. Le 2 juin 1992, par référendum, le peuple danois dit « non » au traité de Maastricht. Que croyez-vous qu’il arriva ?

Réponse :

Le peuple danois fut obligé de revoter une deuxième fois : il y eut un nouveau référendum sur le traité de Maastricht !

2- Deuxième exemple. Le traité de Nice. Le 9 juin 2001, par référendum, le peuple irlandais dit « non » au traité de Nice à 53,87 %. Que croyez-vous qu’il arriva ?

Réponse :

Le peuple irlandais fut obligé de revoter une deuxième fois : il y eut un nouveau référendum sur le traité de Nice !

3- Troisième exemple. Le traité établissant une Constitution européenne. Le 29 mai 2005, le peuple français vote « non » par référendum. Le 1er juin 2005, le peuple néerlandais vote « non » par référendum.

Voyant le résultat des référendums en France et aux Pays-Bas, les fédéralistes décident de suspendre les référendums prévus dans les autres pays ! Les fédéralistes veulent bien consulter les peuples, mais à condition que les peuples votent « oui » ! Si les peuples commencent à voter « non », les fédéralistes suspendent les référendums ! Et ça, ce n’est pas de la démocratie, peut-être ?!

En 2005, quels sont les peuples qui auraient dû être consultés par référendum ?

  • Le peuple danois aurait dû être consulté. Le référendum est suspendu jusqu’à nouvel ordre.
  • Le peuple irlandais aurait dû être consulté. Le référendum est suspendu jusqu’à nouvel ordre.
  • Le peuple portugais aurait dû être consulté. Le référendum est suspendu jusqu’à nouvel ordre.
  • Le peuple tchèque aurait dû être consulté. Le référendum est suspendu jusqu’à nouvel ordre.
  • Le peuple anglais aurait dû être consulté. Le référendum est suspendu jusqu’à nouvel ordre.

4- Quatrième exemple. Le traité de Lisbonne. En réalité, le traité de Lisbonne reprend 98 % du texte de la Constitution européenne, mais la grande différence est que, cette fois-ci, le traité de Lisbonne N’est PAS soumis à référendum !

Le traité de Lisbonne est adopté par les parlements des Etats européens.

Une seule exception : le peuple irlandais est consulté par référendum. Le 12 juin 2008, le peuple irlandais vote « non » au traité de Lisbonne. Que croyez-vous qu’il arriva ?

Comme d’habitude, on a refait voter le peuple irlandais une deuxième fois !

Conclusion :

La construction européenne est anti-démocratique. L’Union Européenne est anti-démocratique. Elle doit être détruite.

Même en étant pour l’Europe, tout citoyen attaché à la démocratie ne peut être en faveur de cette Europe-là.